Parfois, la « vieille Europe » toise le nouveau monde. Il faut remonter au 18 Brumaire de Bonaparte, en 1799, pour trouver trace dans l’histoire de France d’un dirigeant aussi jeune que l’est Emmanuel Macron. Le contraste n’en est que plus vif avec la présidentielle américaine qui s’est soldée par l’arrivée dans le bureau ovale du plus vieux monsieur jamais entré à la Maison Blanche. Cette image de jeunesse oblige les citoyens français. Elle incite au bourgeonnement d’une révolution des moeurs démocratiques et propulsera en scène, espérons-le, quelques nouveaux talents. Plus qu’on ne l’aurait pensé au vu du spectacle très franco-français de notre campagne présidentielle, la planète nous regarde. Qu’un relatif béotien en politique contienne une virulente offensive de l’extrême droite réjouit le coeur des démocrates de bonne volonté, quel que soit leur pays. Mais cela ne suffit pas à imprégner l’atmosphère française de ces effluves de printemps politique que nos amis, voisins et alliés, loin à la ronde, voudraient tous venir humer.
La transformation du zéphyr macroniste en bise majestueuse dépendra de la force du vent. Retombera-t- elle au moment des législatives ? C’est presque une question de mathématique physique, reposant sur une équation à une seule inconnue : la capacité d’attirance de l’étiquette « La République en marche » sur le corps électoral. Quel sera le succès de cette « marque nouvelle » comme disent les experts en marketing ? C’est la grande question. On ne peut y répondre à l’avance car il n’est pas sûr que le sourire et la juvénilité des candidats ressembleront, dans toutes les circonscriptions, à ceux du chef de l’Etat. Pas simple, dans une dynamique électorale devenue aussi personnalisée, de trouver 577 « sosies de Macron » alors même qu’il faudra aussi faire une place à tous ceux qui, de générations et d’origines politiques différentes, ont grossi la cohorte conquérante. Les autres éléments constituant le contexte du scrutin de juin nous sont en revanche connus.
Le premier tour de la présidentielle, sondage grandeur nature, a montré l’état des forces susceptibles d’être remises en présence. La droite traditionnelle se maintient à peu près au niveau qui était le sien lors de précédentes consultations en dépit des tracas judiciaires du candidat Fillon. Si elle organise bien les choses, elle peut installer ou maintenir dans ses fiefs des femmes et des hommes d’expérience, jouant sur le contraste avec le côté « Soldats de l’an II » des nouveaux venus. Le danger est cependant en elle-même. De culture plus présidentialiste que parlementaire, cette famille peut se retrouver fort affaiblie si certains des siens se laissent attirer par le chant des sirènes élyséennes. La gauche, pour sa part, ne manquerait pas d’être en situation de rêver si elle se montrait capable, comme au temps du programme commun, d’alliances de second tour. Perspective qui ne connaîtra, cahin-caha, que de rares et limités terrains d’accomplissement. L’extrême droite, quant à elle, s’efforcera comme toujours de perturber le jeu au maximum par des triangulaires ou quadrangulaires. Elle n’en traduira pas moins, dans certains endroits, le très net gain de voix obtenu lors de la présidentielle par de nouveaux sièges de députés.
Quel (le) que soit « la » ou « le » Premier ministre choisi ces jours-ci par le président de la République, la bataille électorale qui s’annonce se gagnera, pour son camp, plus autour de l’idée de changement générationnel que de recomposition politique droite-gauche. Qu’il l’ait ou non théorisé ainsi, Emmanuel Macron se trouve depuis dimanche soir le champion incontesté du « parti jeune ». Ses collaborateurs et soutiens devront en tenir le plus grand compte, sans doute plus que prévu, dans les investitures.
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