Voilà des années que les syndicats infirmiers militaient pour une réforme de la profession. Le processus semble enfin en très bonne voie, puisqu’une proposition de loi portée par la députée Renaissance Nicole Dubré-Chirat a été adoptée à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale ce lundi 10 mars.
Cosignée par 80 parlementaires de sept groupes politiques différents, la proposition de loi a fait l’objet d’un consensus assez large. Toutes et tous s’accordent sur le principe général : améliorer la reconnaissance des infirmiers et des infirmières, qui représentent environ 640 000 professionnels de santé en France.
La proposition de loi prévoit ainsi une refonte du métier, en définissant des « missions socles » : la réalisation de soins infirmiers « curatifs, palliatifs, relationnels et destinés à la surveillance clinique », le suivi du parcours de santé des patients, l’« orientation » et la « prévention », ainsi qu’une « participation à la formation » des pairs.
Ces nouvelles missions visent à actualiser des textes jugés obsolètes au regard de l’évolution de la profession. Initiative majeure de la proposition de loi : l’instauration d’une « consultation infirmière » et la possibilité d’établir un « diagnostic infirmier », afin d’ancrer les compétences actuelles de ces derniers. La présidente de l’Ordre national des infirmiers Sylvaine Mazière-Tauran constate un véritable progrès dans la reconnaissance des compétences de ces professionnels de santé.
« Avec ce texte, c’est notre autonomie qui se trouve inscrite dans la loi »
En lien avec le développement des soins de proximité, un amendement adopté par la commission des affaires sociales prévoit une expérimentation dans cinq départements. Celle-ci permettrait un « accès direct » sans prescription médicale aux soins infirmiers à condition qu’ils soient effectués au sein d’un établissement de santé ou de certaines structures pluriprofessionnelles spécifiques. Dans un contexte de désertification médicale croissante et de vieillissement accru de la population, cette initiative ambitionne de répondre à l’évolution des responsabilités des infirmiers : vaccination, réalisation de certificats de décès, suivi de malades chroniques pour les infirmières en pratique avancée…
Certains redoutent cependant un empiètement sur des prérogatives auparavant réservées aux médecins. En effet, les infirmiers et les infirmières pourront prescrire certains médicaments, dont la liste sera dévoilée par arrêté ministériel. La rapporteure Nicole Dubré-Chirat l’assure, il ne s’agit pas de concurrencer le diagnostic médical ni de remplacer les médecins, mais bien d’« agir en complémentarité » avec eux. En témoigne la consultation obligatoire de l’Académie nationale de médecine concernant les produits qui pourront être prescrits par les infirmiers.
« Il faut arrêter de mettre les professions en concurrence »
Une telle réforme est largement saluée par l’Ordre national des infirmiers ainsi que les syndicats professionnels. Cependant, un certain nombre de députés – pour la plupart issus des rangs de la gauche et du Rassemblement national – demandent l’ouverture de négociations concernant la rémunération des infirmiers et des infirmières en accord avec leurs compétences et leurs pratiques. La question de la formation suscite également de nombreux débats, la France étant l’un des derniers pays européens à conserver un cursus de seulement trois ans.
La proposition de loi, qui doit encore être examinée par le Sénat dans le cadre de la procédure accélérée, marque un tournant dans l’évolution des soins infirmiers. L’Ordre national des infirmiers espère une mise en œuvre au plus tard en à partir de janvier 2026.