Michel Fleuriet, ancien président de Merrill Lynch France et HSBC France, est désormais professeur de finance à Wharton, Shanghai et Dauphine.
La vente de la Bourse de Paris est prévue pour 2014 après le rachat de NYSE Euronext (qui gère notamment la Bourse de New York et la Bourse de Paris) par son concurrent, l’américain ICE. Sauf si l’on se mobilise en France, en Hollande en Belgique et au Portugal, Euronext sera mangée par un autre opérateur, par exemple la Deutsche Börse, le London Stock Exchange ou l’américain Nasdaq OM. Avec la disparition de la Bourse de Paris, la Place financière suivrait. Ainsi se conclurait le mouvement d’affaiblissement de la Place de Paris amorcé en 2007 et dont les pouvoirs publics portent en partie la responsabilité. La formation de la bourse transatlantique NYSE-Euronext le 4 avril 2007 s’est révélée à l’usage une bien mauvaise idée. Par ailleurs, les enquêtes d’opinion démontraient régulièrement depuis 2007 que les épargnants étaient de moins en moins enclins à investir en actions. Il faut convenir que la fiscalité ne faisait rien pour orienter les flux d’épargne vers le financement long des entreprises. Et la crise de 2008 n’a pas aidé.
Au croisement du désintérêt de NYSE-Euronext pour le financement de l’économie et de la prédilection accrue des Français pour l’épargne liquide – non risquée et défiscalisée – les levées de fonds en actions à Paris sont restées insignifiantes et les introductions en Bourse peu nombreuses depuis 2007. La place de Paris se meurt et la vente de la Bourse en 2014 peut clouer le cercueil.
Si la Bourse de Paris devait être avalée par l’un de ses grands concurrents, cela aurait des incidences sur l’emploi et surtout sur la capacité de la France à renverser la tendance au « définancement » de l’économie par l’épargne. Les entreprises cotées risqueraient fort de se délocaliser et l’Autorité des marchés financiers disparaitra. Il se murmure que le CME de Chicago, le premier marché au monde de contrats de dérivés dans le secteur agricole, convoite le Marché à terme international de France (MATIF), qui permet de couvrir les risques de prix du blé, du maïs et du colza. Dommage, car le contrat dérivé blé du MATIF était devenu en 15 ans une référence mondiale ! Et au contraire du CME, il est principalement entre les mains des professionnels du secteur agricole. Le contrat à terme sur le blé meunier est largement utilisé par tous les opérateurs de la filière pour se couvrir : producteurs, coopératives, négociants, importateurs, exportateurs et industriels.
Il faut réagir !