À la lumière de plusieurs crises sanitaires et leurs conséquences, quel rôle l’industrie pharmaceutique tient-elle dans la société aujourd’hui ? Quelles sont ses nouvelles responsabilités ?
L’industrie pharmaceutique tient aujourd’hui le même rôle qu’hier, à savoir développer des progrès thérapeutiques pour que les malades guérissent et que les populations vivent mieux. Telle reste sa vocation principale indépendamment des crises sanitaires traversées ! Car au-delà de l’exploitation médiatique, des clichés et des dérives émotionnelles, nous nous sommes toujours efforcés de tenir le cap de la responsabilité.
À ce titre, les industriels se sont toujours assurés de veiller au strict respect des normes de qualité et de sécurité, garantissant au patient le meilleur ratio bénéfices/risques lors de la prise d’un traitement. Car si les rapports parlementaires affirment que les entreprises pharmaceutiques n’ont aucune responsabilité dans l’épidémie H1N1, l’affaire Mediator n’est pas le procès du médicament en tant que tel mais d’un médicament et d’une entreprise ! Sans parler du caractère unique de notre industrie, qui s’adresse à ce que les personnes ont de plus intime : leur propre santé.
Le récent regain de défiance envers les industries pharmaceutiques est-il justifié ? Quels en sont les risques ?
Ce regain de défiance est essentiellement présent chez certaines élites parisiennes dont le sentiment ne se retrouve absolument pas en province. Sachant que 84 % des Français font toujours confiance aux médicaments – y compris après la période Mediator – je ne pense pas qu’un malade qui se bat contre le cancer, le diabète ou le sida puisse vraiment se méfier de l’industrie pharmaceutique. Si tel est le cas des médias et de certains milieux politiques, c’est toujours à des fins bien précises et notamment pour taxer les entreprises et pouvoir baisser les prix des médicaments, qui comptent déjà parmi les moins chers d’Europe.
L’industrie de la santé se reconnait-elle dans les accusations qui lui sont faites ?
Evidemment non ! Les 100 000 personnes qui travaillent dans ce secteur se sentent d’ailleurs très injustement traitées voire stigmatisées. Les positions avancées au niveau national ne sont pas du tout les mêmes qu’en région, en particulier si l’on prend l’exemple d’une ville comme Lyon, grande exportatrice de vaccins ; je ne crois pas que ses habitants soient emprunts du même scepticisme.
Le modèle sanitaire occidental est aujourd’hui en pleine mutation. Quelles en sont les directions et les enjeux économiques en termes d’attractivité et de compétitivité ?
Au cœur d’une véritable révolution, la médecine est en passe de devenir beaucoup plus individualisée, adaptant les thérapies aux besoins de chaque patient. Les entreprises du médicament dépendent très étroitement de l’évolution de la connaissance scientifique, qui ces dernières années a connu une explosion jamais vue. C’est pourquoi les industriels de la recherche sont en train de revoir entièrement l’ensemble de leurs modèles pour fabriquer des médicaments avec une approche plus personnalisée. Ce bouleversement ne se fera pas sans le décloisonnement des disciplines, mettant les sciences du vivant en lien avec les nanotechnologies, l’imagerie, les biomarqueurs, la physique, etc. Il faut réconcilier l’ensemble des filières scientifiques pour qu’elles servent aux thérapeutiques futures, d’autant plus que la France possède un rare potentiel en la matière.
Existe-t-il des conflits d’intérêts dans ce milieu ? Quels sont-ils ?
Plutôt des liens d’intérêt. Il est absolument indispensable que la recherche privée et publique collaborent de concert, que les laboratoires pharmaceutiques fassent des essais cliniques avec des médecins qui pratiquent en milieu hospitalier, etc. Juridiquement parlant, seule la transparence empêchera les conflits d’intérêts en régissant l’ensemble des liens qui existent entre les industriels et l’environnement sanitaire et médical. La loi doit d’ailleurs agir dès l’instant où ce genre de différend apparait.
Votre dernier livre, Médicament : l’état d’urgence, appelle à lever le grand malentendu entre les professionnels de la santé, les médias, les politiques et le grand public. Comment tourner la page et pourquoi y a-t-il « urgence » ?
Si les affaires H1N1 et celle du Mediator ont soulevé des colères compréhensibles et justifiées, les caricatures médiatiques et l’instrumentalisation politique faites de ces crises sanitaires le sont en revanche beaucoup moins. Une fois l’émotion dépassée, il faut rentrer dans une réflexion responsable et documentée plutôt qu’avancer des procès d’intention. L’objectif de ce livre n’est pas de tourner une page, mais de trouver le moyen d’écrire les prochaines lignes ensemble avec les patients, les autorités et les journalistes réunis, renouant un véritable dialogue, facteur de renaissance.