Mercredi 1er octobre, la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport a auditionné Martin Ajdari, président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM). Conscient de l’immense étendue des programmes à couvrir, le gendarme de l’audiovisuel se veut optimiste, suggérant que le spectre informationnel et communicationnel français requiert “une régulation démesurée mais pas inatteignable”.
Fraîchement nommé président de l’ARCOM, Martin Adjari a tout d’abord présenté le rapport d’activité 2024 de l’autorité de régulation. Son champ d’action a été étendu au-delà du simple contrôle de l’équilibre du temps de parole des personnalités politiques aux opinions exprimées par l’ensemble des intervenants (chroniqueurs et invités), sur décision du Conseil d’Etat le 13 février 2024.
Or, la publication par le média l’Incorrect d’une vidéo révélant une discussion entre deux journalistes du service public (Thomas Legrand et Patrick Cohen) et des représentants du PS a relancé le débat sur le caractère “partial” de l’audiovisuel public. Ce scandale a même poussé la direction de France Inter à suspendre le 5 septembre dernier Thomas Legrand de l’antenne.
“Le pluralisme des opinions est une chose, la neutralité du service publique en est une autre” a rappelé Martin Adjari.
Face à l’écho retentissant de l’affaire, l’ARCOM assure entamer des travaux sur la neutralité du service et entend objectiver la notion d’impartialité. Dans le même temps, des campagnes de mesure de la perception et des attentes du public seront orchestrées via des études quantitatives et qualitatives. Recenser les “frustrations, mécontentements…” sans se cantonner à la simple vérification d’une “absence de déséquilibre manifeste et durable”, devrait permettre à tous de bénéficier d’un service public financé par chacun .
Le sénateur Cédric Vial a quant à lui insisté sur la nécessité d’accroitre la traçabilité comme la transparence des intervenants à l’antenne, faisant allusion à l’entretien télévisé de Matthieu Pigasse par Caroline Roux. Il estime nécessaire que les “téléspectateurs puissent avoir connaissance, conscience d’éventuels conflits d’intérêts”, de sorte à conférer un cadre sécurisant.
La sénatrice socialiste Sylvie Robert a pour sa part souligné l’importance du rôle pédagogique et instructif du service public, à travers notamment son offre de podcasts “Radio France” et des documentaires de qualité. Rappelant que “60% des Français ont confiance dans l’audiovisuel public”, l’élue regrette “l’offensive pour délégitimer et fragiliser le modèle de production d’information publique”.
Un modèle à repenser
La Cour des Comptes a tiré la sonnette d’alarme concernant l’avenir du modèle de l’audiovisuel public en soulignant une fragilité économique et sociale au sein de France télévisions. Entre le recul des recettes de publicité des chaines de télé de 5% au premier semestre 2025 et la fin des partenariats comme celui avec Salto, l’audiovisuel public et privé traversent tous deux une passe mouvementée. Sans compter le projet de loi sur la réforme de l’audiovisuel public et de la souveraineté audiovisuelle, dont le texte après validation en deuxième lecture par le Sénat va suivre son processus législatif à l’Assemblée nationale.
En parallèle, la durée d’écoute sur les médias traditionnels est en net repli comme en atteste le Livre blanc de la radio publié en juin 2024 par l’ARCOM. Chaque jour un peu plus, le smartphone gagne du terrain au détriment des fréquences hertziennes. De même, la réduction de la progression des abonnements de services de médias à la demande ainsi que la diminution de la subvention versée à France Télé poussent les acteurs législatifs à encadrer davantage les plateformes numériques. A ce titre, Laurent Lafont (président de la Commission) indique un cap à tenir : “rapprocher le régime des plateformes de celui qui s’applique à l’audiovisuel” pour en finir avec l’impunité. Ce qui signifierait aller au-delà des prérogatives définies par l’UE.
Martin Adjari maintient cependant que “la protection de l’indépendance du service public et sa capacité à exercer les missions prévues par la loi” dépendent avant tout des moyens fournis par le législateur.
Pour pallier les fragilités économiques soulevées par la Cour des comptes, l’ARCOM enjoint les acteurs du service public à des collaborations plus renforcées. Au tour de Delphine Ernotte (présidente France Télévisions) et Sibyle Veil (présidente Radio France) d’être auditionnées au Palais du Luxembourg sur demande du président de la commission de la culture du Sénat Laurent Lafon (UDI), le 7 et 8 octobre prochain.