Lors des attentats du 13 novembre, l’hôpital Georges Pompidou a du faire face à une affluence jamais vue de blessés par balle en pleine nuit. Beaucoup de victimes, en plus de leurs blessures physiques, restent extrêmement marquées par ce qui s’est passé : avez-vous mis en place un dispositif de soutien pour les aider, ainsi que leurs proches ?
Nous avons mis en place un suivi psychologique dès le samedi 14 novembre, pour les patients, les familles et les soignants. Dans mon service et dans d’autres, peu sont sortis indemnes de ce drame : un psychiatre peut aider à parler et à supporter ce qu’on a vécu. Bien que cette consultation ne soit pas obligatoire, je l’ai conseillée à tous. Il y a sept ans, j’ai mis ma vie professionnelle et mes mandats entre parenthèses en me portant volontaire comme médecin de l’Armée française en Afghanistan : un quart des rapatriements sanitaires américains étaient dus à de tels traumatismes, dont les effets sur la vie professionnelle, sociale ou familiale ne doivent pas être prises à la légère.
Mis à part « le plan blanc » , l’état d’urgence décidé par le gouvernement, comme le risque durable d’attentats, va-t-il changer l’organisation des hôpitaux dans les prochains mois ? À l’hôpital Georges Pompidou, vous-êtes vous organisés en interne dans l’éventualité où un autre attentat surviendrait ?
Nous avons bien sûr plusieurs plans établis en réponse à des menaces bien spécifiques. Ils ne peuvent pas être rendus publics pour éviter de donner de mauvaises idées aux terroristes. Disons simplement que depuis le 13 novembre, nous nous préparons encore plus. Nous avions d’ailleurs été préparés: un exercice avait même eu lieu le 13 novembre à 9 heures en Ile-de-France. Policiers, pompiers, urgentistes, blocs opératoires et réanimations sont soumis régulièrement à ce genre d’exercice, y compris en termes d’attaque « NRBC », nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique.
Des moyens financiers supplémentaires sont-ils prévus ?
Pas à ma connaissance. En revanche, beaucoup de soignants et de médecins libéraux (dont un couple breton qui était en vacances le jour des attentats) se sont spontanément présentés aux urgences pour nous aider. Ce fut d’abord une question de mobilisation et de volonté. Je veux rendre hommage à mon équipe, qui s’est montrée très solide, très professionnelle et très humaine. Je mesure la chance que j’ai de diriger de tels gens. C’est un honneur pour moi.
Pensez-vous que la France ait minimisé le risque d’un attentat sur son territoire ?
Après l’épisode Charlie, le Gouvernement avait promis d’agir. Mais qu’a-t-il fait réellement ? Près de 233 armes ont été saisies dans les cinq jours qui ont suivi le 13 novembre. Qui peut croire que leur existence n’était pas connue et qu’on les a découvertes en moins d’une semaine ? On savait où elles étaient mais on n’était pas allé les chercher. Qu’attendons-nous également pour fermer les quelques 100 mosquées radicales recensées en France ? Le PNR, « Passenger name recorder », est une base de données recensant l’ensemble des billets d’avion achetés en Europe, qui permettrait de lutter contre les terroristes en surveillant leurs allers et retours. Notre ministre de l’Intérieur a exigé à Bruxelles que ce dispositif soit mis en œuvre à l’échelle européenne (et il a raison !). Mais pourquoi ne dit-il pas que ce projet est bloqué depuis deux ans par les députés européens socialistes et verts français, c’est-à-dire par ses propres amis ?
Après le temps du recueillement vient celui des responsabilités : va-t-on longtemps se retrancher derrière l’état d’urgence ou l’union nationale pour éviter les vraies questions sur les vraies responsabilités ? Je pense que depuis janvier, le gouvernement a beaucoup parlé et très peu agi. Quel temps perdu !
Plus largement, la réponse de François Hollande est-elle « à la hauteur » du mal commis, tant en matière sécuritaire que militaire, d’après vous ?
Bien sûr, le seul moyen de détruire Daech est militaire et non pas diplomatique. Mais il est illusoire d’imaginer qu’on y arrivera avec 24 avions ! Il faudra évidemment envoyer des troupes au sol. Lesquelles ? Alors, trouvons des alliés. Or Hollande se trompe d’ennemi en exigeant comme préalable à toute décision le départ de Bachar Al-Assad. Car la priorité n’est plus là : elle est de construire une grande coalition contre Daech. Nous ne détruirons pas Daech sans Assad, sans les Kurdes, sans les Russes, sans aider l’armée libanaise et même sans les Iraniens. Dans cette lutte à mort, tous les moyens sont bons.
Vous avez vivement réagi aux propos de Manuel Valls sur le risque d’un attentat chimique ou bactériologique : pensez-vous qu’il est quand même bien réel ?
Même si tous les risques existent, Manuel Valls n’aurait pas dû faire cette déclaration. En quoi sa mise en garde protège-t-elle les Français ? Vont-ils désormais se promener avec un masque à gaz dans la rue ? Non bien sûr. Son annonce a eu deux effets : elle a créé de l’angoisse supplémentaire dans un pays déjà très marqué, et elle a pu donner de mauvaises idées à certains. En fait, le Premier ministre utilise la peur. L’état d’urgence permet qu’on ne parle pas de sa vraie responsabilité dans l’échec de la lutte contre le terrorisme ou le communautarisme. De même pour la fameuse courbe du chômage qui ne s’inverse toujours pas. Ne soyons pas naïfs : l’état d’urgence vise aussi à paralyser toute critique du gouvernement.
Vous êtes également député européen Les Républicains : que pensez-vous de la politique européenne en matière de lutte contre le terrorisme ?
La vérité est que les institutions européennes veulent agir. Mais les Etats tiennent un double langage : ils critiquent l’Europe de ne pas agir tout en l’en empêchant de le faire ! Car elle ne peut mettre en place des actions sans la volonté des Etats. En témoigne l’exemple de la Majorité présidentielle qui bloque le projet de PNR européen au Parlement européen pendant que la France exhorte publiquement l’Europe à agir. Ou celui des services de renseignement : ils ne collaborent pas suffisamment pour échanger leurs informations parce que chaque Etat veut garder ses petits secrets. La France a une énorme part de responsabilité dans cette affaire. Il faudra un jour rendre des comptes.
Manuel Valls a appelé à ce que l’Europe ferme ses portes aux migrants : pensez-vous que la fermeture des frontières sera bénéfique à l’apaisement de l’Union européenne ? Quelle est votre position sur l’accueil des réfugiés ?
C’est un sujet complexe. Il faut à la fois surveiller nos frontières et celles de l’Europe, s’assurer que ceux qui entrent ne soient pas des terroristes, protéger les réfugiés politiques et refouler les réfugiés économiques. Cela ne sera possible que si nous stabilisons les pays d’origine pour tarir les flux migratoires et si nous revoyons les conditions d’octroi de nos généreuses aides sociales. Mais le plus important est ailleurs : les terroristes étaient français. Et donc fermer les frontières n’aurait rien changé puisqu’ils sont déjà là ! Posons-nous plutôt la question de savoir pourquoi ces Français ont appris la haine de la France. L’école est une des réponses : elle doit apprendre à aimer la France. Or aujourd’hui, le programme d’histoire, par exemple, apprend plutôt à la détester. La crise identitaire est devenue plus importante que la crise économique.
Vous êtes par ailleurs candidat à la Fédération Les Républicains des Hauts-de-Seine …
Il ne faut pas sous-estimer le très grand rejet des partis politiques. Je suis candidat car je veux un parti politique où les portes et les fenêtres soient ouvertes, où l’on puisse débattre et s’exprimer. Notre parti ne doit pas devenir un rassemblement d’apparatchiks qui ne parlent qu’entre eux. Les mouvements politiques fermés sont voués à mourir.
Je souhaite aussi promouvoir toutes les personnes dont la politique n’est pas le métier. Les candidats doivent pouvoir être choisis le plus largement possible parmi tous les militants. Un grand coup d’oxygène : voilà ce qu’il faut ! J’espère que ma double casquette d’élu, et de celui qui a gardé un exercice professionnel, puisse aider à promouvoir cette idée. Prenons l’exemple du PS qui est devenu le contraire de ce que je souhaite pour ma famille politique : il n’est plus qu’un parti d’assistants parlementaires, qui ne connaissent plus la réalité du terrain. Notre parti doit s’ouvrir à des gens qui n’ont pas fait que de la politique dans leur vie.
Qu’est-ce qui vous a poussé vers la politique ?
L’amour de la France et de son Histoire. Et le goût de la dispute intellectuelle.
La France a une belle et vieille histoire, qui m’émeut et qui est source de fierté. Elle s’inscrit dans une civilisation européenne glorieuse, dont il faut aussi être fier. C’est pourquoi je suis à la fois patriote et européen.
Je suis aussi un homme libre. J’aime que les idées s’échangent librement, sans tabou. Quand dix personnes qui pensent la même chose se réunissent, elles ne pensent plus. Nous devons continuer à penser. Je veux contribuer à construire les nouveaux Républicains.
Quelle orientation souhaitez-vous donner à votre engagement politique dans les prochaines années ?
La France vit une période de décadence. Le Parti Socialiste nous ruine tous les jours un peu plus. Marine Le Pen se propose d’accélérer ce processus en faisant le choix d’une France rabougrie et miniaturisée. Notre économie se meurt, nos meilleurs talents émigrent, la France ne pèse plus dans le concert mondial. La Nation se noie dans le « droit à la différence ». L’identité française est rendue honteuse. L’idée européenne est rendue responsable des maux que nous nous infligeons nous-mêmes. La France a besoin d’une nouvelle colonne vertébrale : elle doit cesser l’auto-flagellation permanente. Les Français doivent de nouveau être fiers de ce qu’ils ont été et de ce qu’ils sont. Je veux que la voix de la France porte de nouveau dans le monde et en Europe. Etre et devenir français, c’est être et devenir le gardien d’une très vieille histoire que l’on admire et assume. Nous vivons une très grave crise identitaire, dont la France peut mourir. C’est le rôle de ma famille politique d’empêcher cela.