Après quatre mois de débats parlementaires, le projet de loi ÉLAN (Évolution du logement et aménagement numérique) a été adopté au Sénat le 16 octobre. Sujet à plusieurs polémiques, notamment à propos de l’accès des personnes handicapées au logement, celui-ci ouvre le champ à l’innovation en matière de financement du logement social. La Fondation pour le Logement Social (FLS) a réuni pour l’occasion différents acteurs du secteur afin d’envisager les alternatives au financement public.
Guillaume Vuilletet, député du Val d’Oise et rapporteur pour avis du projet de loi Elan s’est félicité du travail mené en coopération avec le Sénat. Au sujet du logement social, le projet de loi envisage un meilleur suivi individualisé pour prendre en compte l’évolution des ressources financières des ménages concernés et ainsi mieux adapter l’offre de logement en HLM. En plus d’encourager l’accès des ménages à la propriété, le projet de loi prévoit de regrouper les organismes HLM et de simplifier les règles qui encadrent le secteur, dans le but de faciliter l’investissement. “Nous avons voulu changer le mode de financement pour dynamiser le logement social ” déclarait l’élu, annonçant le souhait de l’Etat de favoriser la gestion privée des logements sociaux.
Dans sa présentation de la stratégie logement l’an dernier, le nouveau gouvernement appliquait déjà au secteur le leitmotiv du quinquennat : simplifier pour permettre l’innovation. “L’État ne doit plus dire aux professionnels tout ce qu’ils doivent faire, mais fixer des objectifs à atteindre et faire confiance à ceux qui construisent1”. Aujourd’hui, près de la moitié du parc locatif social est détenu par des OPH (offices publics de l’habitat) créés par des collectivités territoriales tandis que les ESH, entreprises sociales pour l’habitat, de droit privé à but non lucratif, possèdent 44 % du marché. Le reste est géré par les SEM, des sociétés d’économie mixte, entreprises publiques locales2. En 2017, près de 50 milliards d’euros furent consacrés par la puissance publique à l’aide des ménages pour se loger et des bailleurs sociaux pour investir dans le logement social3. Pourtant, le système est engorgé et ne permet pas de faire face à la demande.
“Nous cherchons sans cesse à innover pour renouveler le financement du logement social et apporter des solutions spécifiques aux populations fragiles.”
Vers la privatisation du logement social ?
La FLS déplore par ailleurs la baisse des subventions publiques pour accompagner son action auprès des familles en difficulté et s’interroge sur les évolutions possibles du financement privé du secteur. Jean-Axel Dieudonné, consultant spécialiste des outils de la finance solidaire ne s’alarme pas : “De nombreux mécanismes fiscaux et outils juridiques sont d’ores et déjà créés en droit français et permettent la rentabilité de l’investissement d’entreprises privées dans la construction et la gestion de logement sociaux. Il y a un marché qui existe, et c’est un véritable marché en devenir.” Le président de la fondation, Michel Récipon, a d’ailleurs déclaré tirer parti de ces mécanismes. Celle-ci émettra des titres obligataires dès janvier 2019. La fondation espère ainsi obtenir un investissement de 10 à 15 millions d’euros. “Nous cherchons sans cesse à innover pour renouveler le financement du logement social et apporter des solutions spécifiques aux populations fragiles. Cette pratique est quasiment inédite dans le milieu associatif en France”. Les bénéfices lui permettront d’approfondir ses projets à l’image de la Maison de vie et de partage à destination des personnes handicapées.
L’Allemagne : un modèle exemplaire ?
La FLS ne s’en est pas arrêtée là et a poursuivi sa quête d’innovation outre-Rhin. Matthias Kock, secrétaire d’Etat allemand au développement urbain à Hambourg, était l’invité d’honneur du colloque. “Il y a une tradition historique centenaire du logement social à Hambourg puisque la plupart des logements ont été, un jour au cours de leur existence, des logements sociaux. Chez nous, l’Etat ne construit pas de logement, il n’y a donc pas de financement de l’Etat fédéral du logement social.” La SAGA, entreprise publique de la ville de Hambourg possède et loue 132 000 appartements sociaux, participant ainsi à 40 % du financement du logement social, aux côtés de constructeurs privés notamment. Ces derniers doivent respecter un quota de 30 % de logements sociaux dans leurs constructions et représentent ainsi 37 % du marché total du logement social. Originalité du modèle : un cinquième des logements sociaux sont financés par des coopératives, fonctionnant “comme des entreprises, mais à vocation sociale” et impliquant les locataires dans leur gouvernance. Celles-ci sont une trentaine malgré le déclin de leur soutien financier par l’Etat depuis 1989. Depuis, leur mode de fonctionnement a été simplifié : “chaque coopérative est libre de construire des logements sociaux répondant à ses propres critères de façon totalement indépendante de l’Etat. Elles constituent un partenaire solide sur lequel l’Etat peut reposer.” Le modèle allemand ne semble ainsi pas très éloigné de l’idéologie du projet de loi Élan.
Les acteurs privés et publics du logement social travaillent en coopération étroite, qui a donné lieu à l’Alliance pour le Logement à Hambourg en 2011. Celle-ci a pour but de multiplier les logements mis à disposition des ménages aux revenus modestes, en moyenne pour 6,5 € le m2 par mois. “Les loyers régulés doivent permettre à tous les acteurs de notre ville de pouvoir se loger en son sein. Nous voulons éviter que les ménages les plus démunis ne se retrouvent en périphérie de la ville. Pour cela, Hambourg mène une politique inclusive de mixité sociale : dans les mêmes quartiers vivent des populations aux conditions sociales très hétérogènes.” Récemment, de nouvelles initiatives voient le jour pour faire du logement un intégrateur social. “On observe en Allemagne un intérêt des jeunes pour travailler dans l’intérêt commun. Des communautés immobilières se développent par exemple de plus en plus, à Fribourg, à Berlin, et à Hambourg. De jeunes ménages y investissent en s’associant à des coopératives existantes et s’occupent de la gestion d’un bâtiment en veillant à y intégrer des profils de familles différents. C’est un mouvement que la ville soutient ”. Preuve que recherche de profit et finalités sociales peuvent faire bon ménage…
(1) Rapport de la Stratégie Logement du Gouvernement, du ministère de la Cohésion des territoires, présentée en septembre 2017.
(2) Ibid.
(3) Rapport de la Commission des comptes du logement, juillet 2018.
Image à la Une: Introduction du colloque par le député Guillaume Vuilletet, député du Val d’Oise et rapporteur du projet de loi Elan à l’Assemblée Nationale. © Fondation pour le Logement Social 2018