L’expression paraissait pour le moins malheureuse. En baptisant « itinérance mémorielle » un voyage qui aurait pu s’intituler « chemin du souvenir », Emmanuel Macron semblait avoir adopté le charabia des technocrates de l’Education nationale qui avaient naguère utilisé l’expression « référentiel bondissant » pour qualifier un simple ballon. La démarche elle-même se donnait des allures alambiquées. Ce déplacement d’une durée de sept jours était conçu, selon les services de l’Elysée « comme un entrelacs de mémoire et de territoires. » Avec ce « cheminement à travers onze départements » le Président de la République voulait commémorer la mémoire et l’héroïsme de nos poilus sur ce que fut le front de l’Est et saluer la capacité des Français à aller de l’avant, à reconstruire et à se réinventer. Il ne s’agissait pas, on l’a compris, de faire dans l’ellipse. Il fallait souligner, un peu lourdement, que les territoires frappés il y a cent ans par la Grande Guerre étaient aussi ceux qui avaient payé, plus près de nous, au prix fort les grandes mutations sociales liées au déclin du charbon et de l’acier. Les morts pour la France d’avant-hier étaient en somme associés, dans un même hommage, aux laissés pour compte de la compétition économique d’hier et d’aujourd’hui. Cette démarche compassionnelle ne pouvait que susciter le respect. Mais à qui, au bout du compte, s’adressait-elle ? Un Président de la République, dont les faits et gestes sont télévisés minute par minute, s’offre au regard de la totalité de ses compatriotes. Et comme il n’est pratiquement pas une famille et pas un village de France qui n’ait été touché par la tragédie de 14-18, le message était propre à remuer le cœur de chaque Français.
Les gestes politiques à fort contenu symbolique posés par Emmanuel Macron début novembre faisaient partie, ne nous y trompons pas, de la rhétorique qui sera sans doute de plus en plus la sienne au cours des mois à venir. Pour peu que l’horizon s’assombrisse, l’éloge de la vertu participera de plus en plus du discours du chef de l’Etat. Après tout, le titulaire de la magistrature suprême n’a pas vocation à prêcher le dilettantisme. On sent d’ailleurs qu’il ne faudrait pas beaucoup le pousser pour qu’il fustige la futilité des Français ou, pour exprimer les choses de façon plus positive, qu’il critique le peu d’optimisme dont nos compatriotes font preuve quant à leurs propres capacités de redressement. Alors qu’ils en ont maintes fois donné les preuves au fil de leur histoire…
Le Président de la République – est-ce lié à sa faible côte de popularité ? – aimerait surtout persuader ses concitoyens qu’il n’est pas un politicien ordinaire préposé à la satisfaction de leurs intérêts immédiats. Les prétendus bienfaits à long terme des ponctions fiscales de son gouvernement suscitent une l’incrédulité générale teintée de colère. Il n’en a cure. C’est là sa part de grandeur, qu’il faut lui reconnaître. Même si celle-ci est indissociable, chez lui, d’une certaine méconnaissance des bons dosages de la pharmacopée politique et d’une confiance exagérée dans le pouvoir des mots. Deux défauts qui constituent, aussi, sa part de candeur.