Souvent, en politique, les évolutions de l’actualité se moquent des règles établies. A gauche comme à droite, ainsi que chez les écologistes, on avait élaboré avant l’élection présidentielle de complexes systèmes afin de réguler les primaires. Non seulement aucun candidat issu de ces éliminatoires ne s’est retrouvé dans la phase finale mais l’obligation faite aux vaincus de rallier les vainqueurs a été allègrement bafouée. Preuve que la France n’est pas encore tout à fait une démocratie adulte, on a assisté, peu après le sacre du soir du 7 mai, à un tourbillonnant ballet de courtisans autour du nouveau chef de l’Etat. Classique sous le soleil élyséen ? Non, pas vraiment, car cette fois-ci, dans certaines bouches, la louange a vraiment succédé très vite à la critique…
Le « présidentialisme » a décidément la peau dure en France. Il y aura toujours des gens pour lesquels la vie publique ne saurait s’envisager sans être dans les petits papiers du locataire de l’Elysée. On voit une fois encore resurgir le mythe du « parti du président ». Pourtant, si l’on veut positiver, il faut considérer que parmi les multiples hypothèses que pourrait proposer la « page blanche » de « l’ère Macron », il en est une qui ne manque pas de consistance : la déconnection entre « majorité présidentielle » et « majorité parlementaire », habituelle aux Etats-Unis, que nous n’avons connu que lors des trois cohabitations liées à des fins de septennat. Depuis l’instauration du quinquennat, la norme veut que le président dispose de « sa » majorité du début à la fin de son mandat. Une règle, là encore, faite pour être transgressée. Les « frondeurs » socialistes, élus dans le sillage de François Hollande, lui auront bien compliqué la vie.
Lorsqu’ils évoquent la « recomposition » de l’architecture de notre représentation nationale, tous les acteurs de la scène politique ne parlent pas de la même chose et ne vivent pas le même rêve. Il y a ceux qui pensent que l’on pourrait mettre sur pied des « coalitions à l’allemande » , où l’on rejoindrait un gouvernement sur un programme de réformes sans cesser de représenter un parti. Disons le tout net, cette formule est visiblement exclue en France par les deux nouvelles têtes de l’Exécutif comme, d’ailleurs, par les responsables de formations politiques. On a beau en voir d’excellentes applications dans les démocraties modernes, elle est chez nous honnie en tant que vieillerie culturelle liée à la IV ème République. Il faudra attendre un retour de la mode. Reste donc la solution de « l’ouverture » verticale qui voit, sur injonction du chef de l’Etat, un Premier ministre et quelques audacieux venus de la droite se faire, à côté d’hommes et de femmes de gauche, les champions d’une « majorité présidentielle » face à leurs anciens amis entendant, eux, devenir les dirigeants de la « majorité parlementaire ».. Songe caressé aussi par les militants de « La France insoumise » de Jean-Luc Mélenchon… Un absurde imbroglio menacerait si les élections législatives n’approchaient pas. Les citoyens vont pouvoir collectivement trancher entre les candidats ayant deux anciens chiraquiens pour chefs de file : Edouard Philippe rallié à Emmanuel Macron, et François Baroin, gardien du temple néo-gaulliste. On ne va plus tarder à être fixés.
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