La croissance démographique du continent africain oblige à repenser la plupart des actions de coopération en matière d’enseignement. Le partenariat mondial pour l’éducation (PME) permet une relance de l’aide au développement. Sur le terrain, les initiatives menées par la France en faveur de la scolarisation des jeunes complète notamment l’action militaire et humanitaire de l’implication de notre pays dans la bande sahélo-saharienne.
La conférence de reconstitution des ressources pour les trois années à venir du Partenariat mondial pour l’éducation (PME) a eu lieu à Dakar les 1er et 2 février derniers. Cette grand-messe, coprésidée par la France et le Sénégal, a permis de ranimer la mobilisation autour de l’éducation. Pour la première fois, la conférence de financement du PME s’est tenue sur le sol africain et a rassemblé 2,3 milliards de dollars, soit près de 50% des ressources jusqu’ici collectées pour le PME depuis sa création en 2002. Ce montant, largement supérieur aux cycles précédents, promet d’enrayer la baisse de l’aide publique au développement consacrée à l’éducation constatée depuis la crise financière de 2008. Cependant, ces engagements restent sans commune mesure avec les fonds bien plus importants alloués à la santé ; ainsi, à titre de comparaison, la reconstitution la plus récente du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMLSTP), dont la France a été le deuxième contributeur historique jusqu’en 2016, a totalisé 12,9 milliards de dollars.
Inscrit comme second objectif du millénaire pour le développement (OMD) en l’an 2000, puis figurant parmi les premiers objectifs du développement durable (ODD) définis par les Nations Unies à Addis Abeba en juillet 2015, l’amélioration de l’éducation et la généralisation de l’accès de tous à une éducation de base, universelle et équitable est un objectif commun à la communauté internationale. Ce modus vivendi a permis d’enregistrer certains résultats encourageants : ainsi, le taux net de scolarisation primaire dans le monde qui était de 84% en 1999 a atteint 91% en 2014. Néanmoins, en 2015, 264 millions de jeunes ne sont pas scolarisés, dont 61 millions en âge de fréquenter le cycle primaire. Plus de la moitié d’entre eux vivent en Afrique subsaharienne. La forte pression démographique, et des inégalités persistantes liées au genre, à l’âge, au territoire, à l’appartenance ethnique ou encore au handicap expliquent ce décrochage. Dans ce contexte, la Banque mondiale n’hésite pas à parler dans son dernier rapport d’une “crise mondiale de l’éducation”.
Le PME porte déjà des fruits
Pour bénéficier des fonds du PME, un pays en développement doit consacrer au moins 20 % de ses dépenses budgétaires à l’éducation. Ce critère crée une incitation au sein des gouvernements des pays concernés à augmenter leur budget alloué à l’éducation. Le PME collabore ainsi avec 65 pays partenaires, dont 39 africains.
Une fois les fonds alloués, à charge pour les pays partenaires d’obtenir des résultats concrets en envoyant davantage d’enfants à l’école et en garantissant leur apprentissage ; en parallèle, le PME offre une assistance technique et financière qui vise à renforcer les capacités des pays partenaires. Cette stratégie porte déjà ses fruits. Entre 2014 et 2015, 78 % des pays partenaires ont maintenu leur budget de l’éducation à un minimum de 20 % de leurs dépenses publiques, et certains l’ont même augmenté, selon le rapport annuel 2015-2016. A titre d’exemple, le Sénégal y a alloué 24 % de son budget. Ces progrès se répercutent sur les chiffres de la scolarisation des enfants. En 2015, 76 % des enfants achèvent le cycle de l’école primaire dans les pays partenaires, contre 63 % en 2002. Le nombre d’enfants non scolarisés a ainsi chuté de 110 millions, passant de 374 millions en 2000 à 264 millions en 2015.
« Face à la menace de l’obscurantisme, la seule réponse à apporter est celle de l’éducation. »
Tous les bailleurs internationaux et pays membre du PME s’accordent sur le rôle clé joué par l’éducation et la formation dans la poursuite de trajectoires de développement inclusives. La recherche a ainsi démontré que l’éducation a de multiples effets bénéfiques, bien au-delà de l’école : sur la santé, la participation citoyenne, la stabilité, la réduction de la pauvreté ou encore le développement économique. Investir dans l’enseignement, avec un accent sur celui des filles, est considéré comme une des actions les plus efficaces dans les pays en développement. En fournissant des savoirs et des compétences aux enfants, l’éducation produit un rendement sociétal considérable.
Pourtant, la part de l’aide publique au développement (APD) internationale consacrée à l’éducation a baissé : elle ne représente plus que 7 % de l’APD en 2015 –soit autant que l’aide attribuée au transport et deux fois moins que celle allouée à la santé–, après avoir diminué de 30 % en cinq ans. Un quart seulement est affecté aux pays d’Afrique subsaharienne alors que leur forte croissance démographique met sous tension les systèmes scolaires nationaux. En 2050, un tiers des jeunes dans le monde seront africains.
La France est parmi les plus mauvais élèves des pays contributeurs. Au cours des dernières années, l’Hexagone a délaissé l’aide à l’éducation. En promettant d’allouer 200 millions d’euros à Dakar, Emmanuel Macron se distingue par ce montant largement supérieur aux engagements français précédents – 17 millions d’euros au total consacrés par la France lors du dernier cycle 2014-2017, dont seulement 1 million la première année. Depuis la création du PME, la France n’a contribué qu’à hauteur de 2,3 % de son financement total quand le Royaume-Uni a, lui, contribué à hauteur de 22 %.
Pour bénéficier des fonds du PME, un pays en développement doit consacrer au moins 20 % de ses dépenses budgétaires à l’éducation.
Un prolongement de l’Alliance Sahel
“Face à la menace de l’obscurantisme, la seule réponse à apporter est celle de l’éducation. Nos destins sont indissociablement liés et je m’engage dans ce combat pour l’avenir du continent africain”, a expliqué Emmanuel Macron à Dakar. Cet engagement français en faveur de l’éducation s’inscrit dans le prolongement de l’Alliance Sahel. Cette initiative, basée sur une approche de redevabilité réciproque entre les grands partenaires du développement de cette région et les Etats du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie,
Niger, Tchad) confrontés à l’augmentation de la menace terroriste– comme la récente attaque d’AQMI à Ouagadougou – et du crime organisé ainsi qu’aux effets du changement climatique, a été impulsée en juillet dernier par la France notamment. La bande sahélosaharienne, zone immense et extrêmement pauvre, est un cas emblématique de la complémentarité des actions de défense, diplomatique, humanitaire et de développement. Dans cette région, on dénombre actuellement plus de 10,5 millions d’enfants et de jeunes non scolarisés, et plus d’un demi-million de réfugiés et de déplacés internes.
Si le volet militaire est aujourd’hui l’instrument principal de la France à travers les opérations extérieures Serval puis Barkhane, l’Alliance Sahel vise à compléter ce dispositif en appuyant plus de 500 projets liés à six grands enjeux du développement : emploi des jeunes, développement rural et sécurité alimentaire, énergie et climat, gouvernance, décentralisation et accès aux services de base, sécurité.