En France, trois millions d’habitations sont vides. Aussi, la remise sur le marché de la location immobilière de nouveaux logements représente un enjeu plus important encore que la construction d’habitats neufs pour résoudre la crise. Au programme : règles simplifiées et allègement de la fiscalité de la location. Par ailleurs, une Banque Publique d’Investissement doit faciliter l’accès au crédit. Entretien avec M. Julien Chambon, maire (Renaissance) de la Ville de Houilles (78).
- Vous avez proposé la création d’une BPI du logement ainsi que l’adaptation de MaPrimeRénov. Celle-ci porte sur la bonification aux chantiers qui créent de nouveaux logements. À combien évaluez-vous le manque de logements neufs en France ?
Le besoin de construction est difficile à évaluer, mais je ne crois pas que le nombre de logements neufs manquants soit un chiffre qui nous intéresse vraiment. Le parc de logements s’élève déjà à 38,4 millions d’unités et connaît une croissance très faible de moins de +1 % par an depuis 2018. Ces chiffres démontrent bien que « faire plus de logements neufs » n’est pas la solution miracle. Et cela ne suffira pas.
La vraie question que l’on doit se poser est celle du besoin et de la demande réelle des Français en matière de logement. Et à ce sujet, on sait que les gens n’ont pas suffisamment accès au crédit immobilier, ce qui ne leur permet plus d’investir dans la construction de logements neufs.
Le financement du logement prend une part de plus en plus importante dans le budget des Français puisqu’en vingt ans, on est passé de 20% à près de 30 % du total alloué aux dépenses pour se loger. C’est un poste de dépenses qui asphyxie le pouvoir d’achat, brise la mobilité résidentielle et renforce encore davantage les inégalités territoriales.
En 20 ans, le logement est passé de 20 à 30% du budget des Français.
En parallèle, une autre crise silencieuse me préoccupe : celle du mal-logement. On observe de plus en plus de suroccupations dans certaines régions, alors même qu’à l’inverse, les logements franciliens sont sous-occupés. Le desserrement des ménages avec les divorces par exemple multiplie le besoin de toujours plus de logements pour toujours moins de monde. C’est un comble. On observe par exemple que les maisons en Île-de-France, qui font en moyenne 200 mètres carrés, sont occupées par moins de deux personnes. Il y a environ trois millions de logements vacants estimés au 1er janvier 2025, selon l’Insee. C’est non négligeable. Bref, on nous fait croire que l’enjeu majeur est le logement neuf, alors qu’il y a un vivier de logements qui existe déjà, mais qui est tout simplement non occupé.
- Selon quels mécanismes ces deux mesures sont-elles de nature à pallier à l’insuffisance de logements neufs en France ?
Il nous faut redonner de la valeur à l’existant et rassurer les Français sur leur capacité à jouer un rôle de bailleur. Le logement a été érigé en droit, c’est évidemment une avancée, mais cela s’est fait au détriment du droit à la propriété. Cette tension a certainement atteint son paroxysme avec des situations ubuesques comme des squats qui ont mis des petits propriétaires dans des situations de grande précarité.
La BPI du logement apporterait une solution concrète au problème de l’accès au crédit en rendant éligibles les dossiers de nombreux Français de la classe moyenne. Cette BPI du logement doit toutefois s’accompagner de la création d’un statut de micropromoteur et de microbailleur afin de simplifier toute la chaîne de production et de gestion de la location pour les petits propriétaires.
Forts du succès de la microentreprise, nous pourrions avoir un système identique dont pourraient bénéficier ceux qui permettent à d’autres de se loger avec notamment des normes allégées en deçà de quelques logements. Simplifier les règles, alléger la fiscalité des revenus liés à la location : voilà le cocktail gagnant pour remettre sur le marché tous les millions de mètres carrés d’habitations non utilisés en France. Redonner de la valeur à ces nombreux biens permettrait par la même occasion de financer leur transition écologique. Comme quoi, rendre du pouvoir d’habiter à tous les Français, c’est bénéfique sur tous les plans !
- Ces logements appartiendraient-ils au parc de logements sociaux ou bien de logements privés ?
Selon moi, il faut d’abord se tourner du côté du logement privé. En contrepartie de la simplification, de la baisse de la fiscalité, et de l’apport financier de l’État via la BPI, les propriétaires devront garantir une baisse drastique des loyers. Les Français doivent être les premiers promoteurs bailleurs de France !
- Selon quelles modalités cette Banque Publique d’Investissement sera-t-elle mise en fonction (gouvernance, budgets, etc.) ?
Une BPI, pour qu’elle fonctionne sur tous les plans, doit être guidée par une volonté de décentralisation. Les politiques du logement doivent être pilotées par les maires, avec leurs règles d’urbanisme et en partenariat avec les Départements afin de permettre de bons équilibres géographiques, impossibles à trouver à l’échelle d’une commune seule.
En termes de budget, on partirait sur celui de MaPrimeRénov. Pour autant, Il y aurait à terme un retour sur investissement pour l’État au moment de la revente d’un bien ayant bénéficié du soutien de la BPI. Donc celle du logement aura un impact moins négatif sur les comptes publics.
La BPI du logement piloterait les apports en capital et les aides à la pierre qui pourraient à terme être fusionnés au sein de cette BPI.
Après, en toute humilité, je ne suis qu’un simple maire aux idées pragmatiques. Si des Think Tank, des parlementaires ou des élus veulent travailler sur ces calculs, et faire avancer concrètement ces sujets « logements » : parlons-en ! Croisons nos expertises, nos réflexions et nos expériences de terrain, pour enfin faire du logement une priorité concrète, avec des solutions crédibles mais ambitieuses.
- S’inspire-t-elle d’autres BPI existantes ? Quelle sera sa tutelle ?
Oui, cette BPI du logement s’inspire du modèle de BPI France, sous la tutelle du ministère du Logement. Cette BPI doit être mise en place par un ministère de plein exercice avec un budget propre, mais en lien étroit avec l’aménagement du territoire. Il est primordial de donner du poids à ce ministère pour que tout ne se décide pas depuis Bercy.
- Pourriez-vous rappeler le cadre actuel de fonctionnement de MaPrimeRénov ? Quelles adaptations entendez-vous faire subir au dispositif actuel ?
Aujourd’hui, sous condition de ressources, l’État vous apporte des subventions pour financer vos travaux de rénovation. Parfois, c’est même l’entreprise qui perçoit les subventions directement. Autant je suis convaincu qu’il faut soutenir nos TPE et PME du bâtiment, autant je m’inquiète de voir ce secteur sous perfusion d’aides publiques. Notre parc immobilier n’a-t-il pas assez de valeur pour qu’on l’entretienne et qu’on l’exploite comme il se doit ?
Nous faisons face à une crise de la chaîne de valeur du logement. Le parc immobilier existant date en grande partie d’avant les années 70 et se dégrade de jour en jour. Essayons de travailler l’existant avant de vouloir l’étendre encore et encore. La valeur ne se crée pas que dans le béton mais aussi dans la cloison !
Bref, aujourd’hui, sous condition de ressources, on distribue de l’argent. Demain, avec la BPI du logement, on construira du patrimoine.
 
	
