« Un texte vidé de sa substance »
Après plusieurs mois de travaux parlementaires, c’est finalement « un texte totalement dénaturé par la commission » qu’Olivier Falorni a défendu pour ménager quelques possibilités d’évolution ultérieure. A la suite de la diffusion d’images choc tournées dans les abattoirs français cette année, le rapporteur avait déposé une proposition de loi visant à renforcer les sanctions, la transparence et le contrôle au sein de ces structures. Un dossier « qui touche des millions de Français » d’après le rapporteur et qui a été approuvé par des députés membres de tous les groupes politiques présents à l’Assemblée nationale, « signe d’une adhésion transpartisane » à ce sujet. C’est toutefois une PPL profondément modifiée qui a été adoptée en commission des affaires économiques le 14 décembre. Parmi les propositions retoquées, la vidéosurveillance – pourtant plébiscitée par 85% des Français selon un sondage IFOP d’octobre 2016 – et l’article autorisant les parlementaires à visiter des abattoirs de façon inopinée, pouvant être accompagnés de journalistes titulaires de leur carte de presse. Une mesure fortement décriée par plusieurs députés dont Philippe Le Ray, convaincu que les députés ne sont pas des « cowboys ».
Les principaux reproches faits au système vidéo : son coût et la pression que ce genre de dispositif pourrait exercer sur les salariés. Brigitte Allain a notamment estimé que c’étaient plutôt les conditions de travail des employés qu’il fallait regarder de près. « Tant qu’on sera sur une question de rentabilité horaire des salariés et du nombre d’animaux abattus à l’heure, nous ne sortirons pas de ce système de maltraitance. » Olivier Falorni a regretté une position « extrêmement conservatrice », « d’autant plus incompréhensible » qu’il « avait proposé de reporter l’entrée en vigueur de la mesure à janvier 2018, ce qui aurait laissé le temps au Gouvernement et aux professionnels de mener à bien l’expérimentation qu’ils disent appeler de leurs vœux. »
Quelques avancées
Les députés se sont en revanche montrés favorables à la présence permanente de services vétérinaires aux postes d’étourdissement – insuffisants aujourd’hui – et à la création d’un Comité national d’éthique des abattoirs qui réunirait tous les acteurs de la filière, qu’ils soient éleveurs, vétérinaires, ou associations de protection animale. Un comité local de suivi de site serait également implanté à proximité de chaque abattoir dans le but de rétablir le lien de confiance avec les consommateurs, qui est aujourd’hui en partie brisé. Autre avancée : la réintroduction d’une disposition du projet de loi Sapin II qualifiant de délit pénal la maltraitance des animaux en abattoir ainsi que dans les entreprises de transport, qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel.
Soulignant « qu’il a fallu attendre de voir toutes ces images chocs pour enfin s’occuper des abattoirs », Philippe Le Ray a trouvé la PPL « très limite » sur l’abattage rituel : « j’ai l’impression que vous contournez gentiment ce sujet alors qu’on y trouve des conditions bien plus abominables. » La députée Brigitte Allain s’est quant à elle montrée « particulièrement déçue de cette proposition de loi », s’attendant à des « propositions innovantes, réellement utiles et attendues par les vrais éleveurs, qui respectent les animaux tout au long de leur élevage, et qui ne supportent plus qu’il faille faire 100km pour que l’animal se fasse abattre. » Les prochains débats s’annoncent d’autant plus vifs que la page internet consacrée à cette commission a été la plus consultée sur le site web de l’Assemblée nationale cette année.
Retrouvez l’intégralité du débat en vidéo : http://videos.assemblee-nationale.fr/respect-de-l-animal-en-abattoir.