Pour la première fois depuis bien longtemps, les citoyens comprennent en cette rentrée que les actes divers et classiques de la vie politique vont se jouer avec plus de gravité au cours des semaines et mois à venir. Une appréhension majeure alourdit le climat, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières. Elle porte sur la démocratie. Promise il y a peu de temps encore à régner sans partage dans de plus en plus de pays, elle semble aujourd’hui à nouveau menacée par ses vieux ennemis : le populisme autoritaire et l’anarchie aventureuse. Sans parler de son « plus redoutable adversaire qui est elle-même », selon la belle expression de Marcel Gauchet, car son principe est de favoriser toutes les propositions même lorsqu’elles émanent de ceux qui veulent la détruire.
Les milliers de campagnes électorales qui s’engagent dès maintenant sur notre territoire en vue des municipales de mars prochain vont constituer un excellent test de l’appétence démocratique de nos concitoyens. C’est une façon archaïque de considérer la vie publique, en effet, que d’évoquer le futur scrutin sous l’angle étroit de la victimisation des maires ou d’une supposée « crise de vocation » susceptible de priver nombre de collectivités de leurs premiers magistrats. En réalité, il y a sans doute toujours autant d’élus accrochés à leurs fonctions tels de vieux féodaux que de jeunôts aux dents longues prêts à tout pour les remplacer. L’important est ailleurs. Il est dans l’existence ou non, au sein de la population, d’une véritable envie de retrouver une souveraineté populaire en utilisant le canal politique républicain. Car on ne peut pas faire comme si les « gilets jaunes » n’avaient pas délivré un message acerbe et foisonnant allant parfois jusqu’à la mise en cause désespérée des institutions de la démocratie élective.
En bonne logique, les citoyens soucieux de changer les choses ou simplement de se faire entendre devraient se porter candidats chaque fois que l’occasion leur est offerte. Exercer des responsabilités le temps d’un mandat, pratiquer l’écoute, le débat, la réflexion collective tout en prenant en compte les réalités économiques, juridiques et environnementales de notre temps, voilà qui est autrement valorisant que la célébrité télévisuelle éphémère conquise sur un rond-point… Sans compter qu’il n’est même pas besoin d’être candidat pour se comporter en électeur conscient de ses droits et devoirs plutôt qu’en « consommateur de services publics ». La dimension de la collectivité ne change rien à l’affaire car qui veut des moyens peut en trouver dans les associations de communes et les intercommunalités, à condition de ne pas vouloir vivre orgueilleusement seul dans son village comme cela s’observe encore trop souvent.
François Mitterrand avait fait remarquer un jour, en substance, qu’il n’y avait pas trop d’élus en France car en ajoutant à ceux qui occupaient une fonction ceux qui – presque aussi nombreux – aspiraient à en exercer une, on atteignait l’effectif d’une véritable armée composée de personnes croyant à la démocratie. Jamais inutile dans un pays à l’histoire aussi mouvementée que la nôtre. La démocratie municipale n’apporte pas de solution à tous les problèmes de notre société complexe. Mais c’est tout de même sur cette pierre angulaire que repose l’édifice républicain.