Le renouvellement des générations dans l’agriculture est une condition sine qua non pour assurer la sécurité et la qualité de notre alimentation, produire de la valeur ajoutée économique et environnementale, aménager l’ensemble du territoire.
Cette priorité nationale repose sur un outil majeur, la régulation du marché foncier. Les règles qui le régissent doivent rendre possible la liberté d’entreprendre « pour tous » et garantir l’usage du foncier comme celui d’un bien commun dans la durée. Une politique des structures responsable doit privilégier le facteur humain au jeu des capitaux, favoriser la diversité au détriment des monopoles. C’est le sens du« pacte foncier » qui depuis les années 60 établit un équilibre entre la propriété et le travail et unit la France à son terroir.
Depuis une décennie, une « libéralisation » du marché foncier est à l’œuvre dans notre pays. Fondé sur la dérive individualiste de la course à l’agrandissement, un relâchement du contrôle, des failles législatives de 2006 et l’arrivée de fonds spéculatifs à partir de 2008.
Aujourd’hui, la Loi d’avenir et la nouvelle PAC (aides différenciées et ciblées) créent une nouvelle donne : modernisation du contrôle des structures, détection de montages abusifs et renforcement des SAFER.
Mais à côté de ces mesures positives, force est de constater que des brèches restent béantes !
C’est notamment le cas du détournement du travail à façon. Continuer « artificiellement » son activité au-delà de sa retraite a pour effet d’interdire l’installation au bénéfice de concentrations sans limites. Autre angle mort : le phénomène sociétaire qui permet l’absorption d’exploitation sous prétexte d’association.
Minoritaires aujourd’hui, limitées aux espaces à forts enjeux (haute valeur ajoutée, zones frontalières ou périurbaines), ces dérives risquent de devenir exponentielles et ont d’ores et déjà un effet sur le coût du foncier.
Fermer les yeux sur ce phénomène serait faire preuve d’une terrible hypocrisie. Insidieusement l’enrichissement de quelques-uns se traduit par un appauvrissement collectif.
Les spécialisations excessives qui en découlent ont des effets négatifs sur le plan agronomique. Pas d’agro-écologie sans « relève ». Pas de « relève » sans politique foncière juste.
Nous en appelons à :
– une clarification des choix professionnels pour protéger un atout compétitif et éthique de l’agriculture française ;
– une mobilisation des territoires. Au-delà de la lutte contre l’artificialisation des terres, la question de son partage intéresse les collectivités et les citoyens sur le plan social, économique et environnemental ;
– Au-delà des verrous législatifs actuels, nous devons, sans tabous, remettre le « travail sur l’ouvrage ». L’enjeu justifie que le levier de la PAC comme celui du statut de l’actif agricole soient explorés de façon radicale.
Nous avons besoin d’outils nouveaux et surtout d’une boussole. Contrairement aux autres politiques publiques, aux choix de filières, le foncier est une politique « mère » par son caractère quasi irréversible. Renoncer aux régulations ou les réinventer, nous avons un devoir de vérité : ici comme dans les pays du Sud, choisir entre l’accaparement des terres et une renaissance rurale.
Signataires :
Dominique POTIER, député PS de Meurthe et Moselle, Jean-Michel CLEMENT, Député PS de la Vienne, Germinal PEIRO, Député PS de la Dordogne
André CHASSAIGNE, Président du groupe GDR, député du Puy de Dôme, Brigitte ALLAIN, Députée écologiste de la Dordogne, Yves DANIEL, Député PS de Loire-Atlantique, Bertrand PANCHER, député UDI de la Meuse