Un Congrès du Parlement, c’est beau, grand, solennel. Mais cela ne saurait faire oublier ni une Coupe du monde de football ni un Tour de France cycliste. La capacité d’attention citoyenne des Françaises et des Français posséderait même, à en croire certains commentaires d’actualité, des limites. Elles auraient été dépassées en cette première quinzaine de juillet. Même en présence d’un beau devoir de vacances, soigneusement écrit pour – qui sait ? – la postérité. Le faible enthousiasme soulevé par les déclarations d’Emmanuel Macron à Versailles tiendrait donc autant à la multiplication des sollicitations concurrentes qu’à une sorte de banalisation de l’image de notre jeune président. A force de le voir partout, on ne ferait plus trop attention à ce qu’il dit.
A partir de ce constat, une double tentation semble s’exercer au sommet de l’Exécutif. La première, c’est celle du concours Lépine institutionnel. On réfléchirait à « poursuivre la réécriture » de notre loi fondamentale modifiée par le quinquennat jusqu’à une sorte d’inclusion logique des conséquences du raccourcissement du mandat présidentiel. Puisque la durée de celui-ci coïncide avec l’espérance de vie d’une majorité législative, pourquoi ne pas considérer, en effet, qu’il n’y a qu’une seule et unique source du pouvoir, les fonctions de Président de la République et de Premier ministre étant conduites à se confondre ? En politique, cependant, la logique est rarement implacable. S’il y a longtemps que l’on parle de l’instauration d’une « présidence responsable devant le Parlement » sans parvenir à donner une réalité à cet idéal, c’est parce que – au fond – cette réforme n’est pas dans l’esprit de la Ve République. Le général de Gaulle et les rédacteurs du texte de 1958 voulaient, avant tout, que le chef de l’Etat soit protégé des contingences de la politique au quotidien.
La deuxième tentation des macronistes, sinon de leur « premier de cordée » lui-même, tiendrait au désir d’élaborer un « corps de doctrine ». Pour que leurs rangs restent serrés et, mieux, s’étoffent en militants nantis d’argumentaires lors des européennes et municipales à venir, pourquoi ne se risqueraient-ils pas à une définition précise de ce qu’est la politique d’Emmanuel Macron ? La pensée présidentielle s’exprime en maintes occasions mais le temps n’est-il pas venu d’en établir un condensé à usage électoral, toute révérence gardée envers le président Mao et son petit livre rouge ? Il faut souhaiter bon courage à « celles et ceux » – comme dit le Président – qui voudront s’atteler à la tâche. Non pas parce que les projets défendus jusqu’ici par le chef de l’Etat soient nébuleux et difficiles à résumer. Il en est de fort concrets. Mais surtout parce qu’ils s’inscrivent dans une philosophie de l’action qui, dès la campagne présidentielle de l’an dernier, se voulait rebelle à la théorisation. C’est un grand avantage que de pouvoir se passer des catéchismes militants élaborés dans notre pays depuis le XIXe siècle. Mais cela devient un inconvénient lorsqu’il faut expliquer dans un discours structuré en quoi consiste une politique indemne de toute imprégnation idéologique. Pour se consoler, certains partisans d’Emmanuel Macron confiaient dans les couloirs du Congrès de Versailles qu’ils se trouvaient dans la situation de ceux qui défendaient jadis le bon sens et le pragmatisme du Général de Gaulle. Rien de plus rassurant que l’abri d’une grande ombre dans la perspective des chaleurs de l’été !
Crédit de l’image à la Une : © Vernier/JBV NEWS