Emmanuel Macron n’est pas si bonapartiste que cela. Il connait ses limites. Il a confié qu’il n’était pas sûr de venir au 120ème Congrès des maires, alors que nous n’en sommes qu’au centenaire. Il s’est engagé néanmoins à faire le voyage chaque année. Quitte à prendre le risque d’accroître la « personnalisation » du conflit latent opposant l’Etat – ses grands corps et la fameuse « citadelle de Bercy » – aux collectivités territoriales. Si les maires, les plus « visibles » de tous les élus de terrain, se sentent orphelins, ce n’est pas seulement, cependant, à cause des actes ou de la personnalité de notre jeune et nouveau chef de l’Etat. Le désir de « taper » dans le supposé « trésor » des finances locales remonte à quelque temps déjà. Il a même pris une certaine intensité lors de la crise des dettes souveraines. L’Etat obligé de se serrer la ceinture considère avec envie les grandes villes et les Conseils régionaux censés s’offrir des bâtiments somptueux et les talents de hauts fonctionnaires en détachement. C’est une « tendance lourde » que cette jalousie feutrée et jamais vraiment formulée… Ajoutons à cela le « big bang territorial » créé par la loi NOTRe qui modifie partout périmètres et compétences tandis que les textes sur le cumul des mandats – bien antérieurs à l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée – entrent en application, ce qui revient à empêcher les maires en activité de défendre leurs prérogatives à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Emmanuel Macron aurait pu facilement expliquer qu’il n’était pour rien dans la plupart des difficultés actuelles des élus. Mais il n’a pas été en situation de le faire au Congrès des maires à cause d’une sorte de péché originel. Au lieu d’annoncer des temps apaisés, son entrée en fonction a coïncidé, en juillet dernier, avec un ensemble de nouvelles mesures d’économie affectant les collectivités locales. En d’autres termes, il a alourdi la barque et il doit aujourd’hui ramer plus difficilement afin de rejoindre des eaux plus tranquilles. En voulant redonner davantage de responsabilités aux « préfets et à leurs élus » – expression un peu curieuse – le président de la République montre en tous cas qu’il cultive une certaine idée, très personnelle, de la décentralisation. En conjuguant celle-ci avec la « déconcentration » des services nationaux, il exprime en effet, plus ou moins ouvertement, un désir : celui d’associer plus étroitement au dispositif de mise en œuvre des impulsions venues d’en haut. Il n’est pas sûr que cette vision soit celle de l’ensemble des élus. La lune de miel attendra encore un peu.