La campagne présidentielle américaine a coïncidé en France avec la programmation d’une nouvelle version filmée du « Comte de Monte-Christo ». Point commun entre la fable bien réelle et l’oeuvre de fiction : la démonstration de ce que peut accomplir le désir de vengeance. « Revanche » serait en effet un mot un peu faible pour qualifier l’état d’esprit du candidat Donald Trump qui a paru jouer à « vaincre ou mourir ». Même si c’était plutôt « gagner ou aller en prison ».
La part du romanesque étant faite, on s’interrogera de façon plus prosaïque sur la sauce à laquelle les Européens en général et les Français en particulier sont susceptibles d’être mangés. Donald Trump n’est pas le premier à avoir dit n’importe quoi pour se faire élire, même s’il a porté cet art à la hauteur du sublime. Le problème, s’il persistait dans une attitude erratique une fois installé à la Maison-blanche, serait que les dirigeants de notre continent pourraient en prendre prétexte pour l’imiter. Autrement dit de pratiquer la politique de la dispersion et du chacun pour soi au motif que l’on ne peut pas concevoir de plan cohérent face à un interlocuteur aussi imprévisible. S’ouvrirait alors à coup sûr une période très difficile pour l’Europe qui connaitrait en quelque sorte le destin aujourd’hui peu enviable du parti démocrate américain. De quoi donner de grands espoirs à ceux qui ne rêvent que de l’implosion de l’Otan et de la fin de l’euro avec le désir de spéculer sur le retour des devises nationales et la floraison des crypto-monnaies.
Aucune personnalité de la « vieille Europe », comme disait Dominique de Villepin, ne semble aujourd’hui en mesure d’ériger de véritables digues contre le populisme et la démagogie, qu’il s’agisse des remontées d’égout de l’histoire des nations ou de produits d’importation. Le risque est donc grand d’assister à un « effet-miroir » de ce coté-ci de l’Atlantique. Toute opposition semble ratatinée aux Etats-Unis où l’administration présidentielle, le Sénat, la Chambre des représentants, la Cour suprême, les forces armées et les services de renseignement seront bientôt sous le contrôle exclusif du parti républicain, lui-même à la botte d’un leader de 78 ans aux lubies changeantes. La légendaire presse américaine, minée par les réseaux sociaux, n’est plus ce qu’elle était. On chercherait en vain l’esquisse d’un contre-pouvoir ou l’expression d’une pensée politique structurée et rationnelle, notamment en matière de transition climatique. Ainsi se vérifie que la conquête et la reconquête du Pouvoir n’ont que peu à voir avec l’intelligence ou l’esprit. C’est surtout une question de caractère et parfois de fièvre obsidionale.