“On gagne et puis on voit” aurait dit Bonaparte quand il lui était demandé, peu avant le 18 brumaire, quel serait son programme d’action. En démocratie, de tels propos seraient choquants. Pour gagner le droit d’agir, il faut convaincre les électeurs avec des déclarations d’intention, des promesses et des arguments. Une fois les suffrages obtenus, se pose la question de savoir ce qu’il est possible ou non d’entreprendre.
Il a été affirmé et répété sur tous les tons, ces derniers temps, que François Hollande disposerait de plus de leviers que François Mitterrand en 1981, ne serait-ce qu’en raison de la concordance politique entre les majorités de l’Assemblée, du Sénat et des exécutifs régionaux. Ce n’est qu’en partie vrai. Car le monde ne ressemble plus du tout à ce qu’il était il y a trente et un ans, quand la Chine s’éveillait à peine et que le mur de Berlin symbolisait le face à face de deux visions de l’économie. Les contraintes relatives à la sécurité internationale, à l’approvisionnement énergétique et à la protection de l’environnement ne cessent d’alourdir, à coup de sommets et de rencontres bilatérales, l’agenda de dirigeants nationaux confrontés aux grandissimes incertitudes planétaires. L’euro oblige, de plus, à un dialogue et à des compromis toujours susceptibles de remise en cause avec les partenaires de la zone monétaire.
Les lois de décentralisation ont aussi amenuisé, pour le meilleur et pour le pire, les marges de manœuvre d’un État trop longtemps centralisé à l’extrême. Le progrès scientifique et les technologies nouvelles, enfin, imposent une réflexion constante – qu’il s’agisse de communication ou de bioéthique – sur les normes sociétales. Inutile d’insister : ce n’est pas le “trop de pouvoir” qui menace la majorité présidentielle qui s’installe mais plutôt la difficulté de définir les priorités devant l’ampleur multiforme de la tâche. Sénateurs et députés voudront sans doute aider, très en amont, le gouvernement à rester “de gauche” face aux tentations bien connues du réalisme politique ou de la “normalité”. Le paradoxe est qu’ils disposeront, pour cela, des dispositifs accroissant leurs prérogatives qui ont été adoptés sous… l’ère Sarkozy !
Des débats passionnés s’annoncent, en résonance avec les inquiétudes des Français. Toutes les majorités larges connaissent, suivant l’enseignement du passé, des failles en leur sein. Entre courants de pensée et révélations individuelles, des sous-groupes et des individus se distinguent et s’affrontent, même sous la même bannière. Il serait donc bien hasardeux d’imaginer que le Parlement, où l’opposition voudra aussi occuper toute sa place, va vivre une législature paisible sous l’ombre portée d’un “président normal”.
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