Véritable « économie de demain » selon Marie-Christine Blandin, le recyclage des vieux téléphones n’a pourtant pas la place qu’il mérite. Lors de la présentation du rapport à la presse, le 29 septembre, la sénatrice a rappelé les difficultés rencontrées pour obtenir des chiffres sur le sujet, notamment de la part des fabricants et des opérateurs téléphoniques. C’est à force d’insistance que la Mission a finalement pu se procurer les informations souhaitées, car les opérateurs auraient tendance à se déresponsabiliser et à minimiser leur rôle au sein du cycle de vie des téléphones mobiles en se qualifiant par les termes dématérialisés de « fabricants de réseaux ».
Le recyclage, une filière insuffisamment exploitée
Pour la sénatrice du Nord, membre du groupe écologiste du Sénat, les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur les 24 millions de téléphones vendus chaque années en France, dont 84% sont des Smartphones, seuls 15% sont engagés dans des flux de réparation ou de recyclage. Qu’en est-il du reste ? 100 millions de mobiles non utilisés et usagés « dorment » dans les maisons des Français. Plusieurs facteurs l’expliquent : la peur des consommateurs de voir leurs données personnelles circuler, la fausse certitude que les téléphones seront un jour réutilisés, leur petite taille et le manque d’information sur les possibilités de recyclage.
Si les opérateurs se vantent d’être en lien avec des structures de récupération, dont la plus connue, Les Ateliers du bocage, les chiffres montrent que dans les faits, ce circuit n’est pas effectif. En réalité, les téléphones récupérés par les opérateurs sont vendus à des « brokers »* et franchissent parfois les frontières. Pour cela, ils prennent le statut de « matériel de réemploi » au lieu de celui de déchet. Il devient donc impossible de les tracer ou de connaître la suite de leur parcours. Ce cheminement génère d’importantes pertes pour la France : des milliers d’emplois qui pourraient alimenter la filière du recyclage mais aussi les matériaux de valeur présents dans la carte électronique comme des métaux précieux ou terres rares. Par exemple, dans une tonne de cartes électroniques, on trouve en moyenne 200 grammes d’or.
Les fabricants et les opérateurs, des freins à la réparation
Le rapport émet également l’hypothèse selon laquelle les fabricants empêcheraient la réparabilité des téléphones. Deux constats ont mené à ces conclusions : l’obsolescence matérielle et logicielle. Les mises à jour, proposées avec insistance aux consommateurs, sont parfois inadaptées aux anciens modèles et obligent l’achat de modèles plus récents. C’est à ce propos une des propositions du rapport de valoriser « l’écoconception logicielle » (alléger les systèmes pour les rendre plus efficients) et d’imposer la réversibilité (permettre aux consommateurs de revenir aux versions précédentes).
Parmi les propositions du rapport, l’allongement de la garantie du produit permettrait également de favoriser la mise sur le marché et la disponibilité des pièces de rechange. Une autre proposition consiste à obliger les opérateurs à faire le tri entre matériel de réemploi et déchets, eux-mêmes ou en passant par des organismes spécialisés.
Selon la sénatrice, les chiffres mis en avant par le rapport révèlent un phénomène qui a pris une ampleur considérable mais qui n’a pourtant jamais été évoqué par les pouvoirs publics. Le but est donc de sensibiliser l’opinion en donnant une visibilité au problème, afin que de réelles solutions soient mises en place. « Il n’y a que des avantages à revisiter cette filiale », conclue-t-elle.
Pour retrouver l’intégralité du rapport : https://www.senat.fr/rap/r15-850/r15-850.html.
* Les brokers sont des intermédiaires. Ils achètent par lots puis les confient à des structures qui les reconditionnent pour les remettre sur le marché.