L’association « Lire Pour en Sortir » accompagne la réinsertion des détenus par la lecture. Elodie Perroteau, responsable de programmes, explique leurs missions et leur vision du sens de la peine carcérale.
« La littérature ne peut pas changer le monde mais peut-être ceux qui la lise » : cette citation de la journaliste et écrivaine Leïla Slimani résume parfaitement les souhaits de l’association « Lire Pour en sortir »[1]. Programmes de lecture, développement des activités culturelles, lutte contre l’illettrisme, rénovation des bibliothèques … autant de missions proposées par l’organisation qui s’inscrivent dans une politique pénale responsable.
Dans un contexte très marqué par la peur du terrorisme, évoquer la lecture en prison peut sembler inapproprié voire naïf. Il n’en reste pas moins que le monde pénitentiaire reste un sujet brûlant, comme en témoigne la dernière campagne présidentielle. Les candidats ont tous évoqué la nécessité de créer des nouvelles places de prison pour lutter contre la surpopulation carcérale et les problèmes sécuritaires en détention.
Sans omettre ces évidences de terrain, la réflexion pourrait également se centrer sur la mise en œuvre d’un système punitif adéquat pour réadapter les détenus dans la société. Jean-Marie Delarue, ancien contrôleur général des lieux de privation de liberté, insiste notamment sur le sens de la peine et l’efficacité de celle-ci. En plaçant la lecture au cœur du processus de détention, « Lire pour en sortir » participe à la réinsertion sociétale : but premier d’une condamnation pénale.
Élodie Perroteau répond à nos questions :
Parlez-nous de la création de l’association « Lire pour en sortir » …
Le président de l’Association, Alexandre Duval-Stalla, avocat et écrivain, avait entendu parler de l’initiative brésilienne « Rembolso a través de la lectura » permettant aux détenus de bénéficier d’une réduction de peine de quatre jours par livres lus. Il a imaginé transposer cette idée en France. En ce sens, maître Duval-Stalla a déposé un amendement en juin 2014, par l’intermédiaire du député Hervé Gaymard. Désormais, l’article 721-1 du Code de procédure pénale dispose « qu’une réduction supplémentaire de la peine peut être accordée aux condamnés qui manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale, notamment (…) en s’investissant dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul, ou en participant à des activités culturelles, et notamment la lecture ». Dans la foulée, « Lire pour en sortir » a été créée et a organisé ses premiers ateliers de lecture au sein de centres de détention.
Comment les détenus s’inscrivent-ils à vos ateliers ?
Le seul pré-requis est de maîtriser un minimum la lecture de la langue française. Les détenus peuvent s’inscrire à leur arrivée ou via le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Une fois inscrits, les participants choisissent un livre que l’association leur offre neuf. Ce n’est pas parce que l’on est en détention que l’on doit avoir des secondes mains. Les bénévoles échangent une à deux fois par mois avec le détenu, qui réalise pour finir une fiche de lecture. L’association propose également plusieurs fois par an des rencontres et échanges avec des écrivains au sein des prisons.
Quels sont les profils des détenus participants à vos ateliers ?
Nous avons constaté que les inscrits étaient, pour la plupart, éloignés du livre et de la lecture, très souvent déscolarisés dans leur jeunesse ou désociabilisés. Un constat assez positif : au départ, les détenus s’inscrivent souvent en espérant bénéficier d’une remise de peine, néanmoins ils se prennent au jeu et ressentent souvent le besoin de commander d’autres livres. Par ailleurs, les personnels pénitentiaires constatent que les détenus sont plus calmes et plus sociables après nos ateliers.
Quelles améliorations attendez-vous du nouveau gouvernement en matière de politique pénitentiaire ?
L’association constate un échec des politiques publiques, en pointant du doigt un taux de récidive qui ne cesse d’augmenter et une surpopulation carcérale qui devient dramatique. La réinsertion et la mise en œuvre de peines alternatives doivent être les objectifs premiers de la politique carcérale du nouveau gouvernement. Pour éviter l’échec, les prisons ne doivent plus être considérées comme des lieux d’enfermement mais de réinsertion.
Que répondriez-vous à ceux qui critiqueraient votre vision « naïve » du monde pénitentiaire ?
Une personne qui a été correctement préparée à sa sortie a moins de chance de récidiver. Ce n’est pas avoir une vision « naïve » du monde pénitentiaire que de prendre conscience de la nécessité de privilégier la réinsertion sans pour autant, évidemment, fermer les yeux sur les différentes problématiques sécuritaires. Aujourd’hui, « Lire pour en sortir » est installée ou en cours d’installation dans treize établissements pénitentiaires et ne cesse d’être demandée par les directions d’établissements.
Placer la lecture au cœur du processus de détention et de réinsertion, c’est assurer pleinement les objectifs d’une politique pénale responsable, à savoir relever l’homme en faute par l’éducation d’un travail qui lui mette l’outil de relèvement et permettant à sa sortie de l’aider à se reclasser parmi ses concitoyens .
[1] http://www.lirepourensortir.org/
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