“Crise ”, “tempête”, “fragilité” ou encore “récession”, autant de redondances déprimantes du discours médiatique actuel. Un catastrophisme de chaque minute d’autant plus frustrant qu’il laisse tout individu face à sa propre impuissance, jusqu’à en baisser les bras. Rien d’étonnant à ce que “la France aille mal” quand il suffit d’allumer la radio pour crouler sous une avalanche d’informations alarmantes, tsunami d’actualités aussi défaitistes qu’irritantes. “Manque d’eau, manque d’humour, le manque vous gagne”.
C’est le triste constat que dresse la sémiologue Mariette Darrigrand dans son dernier livre Comment les médias nous parlent (mal), décortiquant notre condition de soumis volontaire aux flux médiatiques et victime d’ “un vide de trop de paroles inutiles”. Une information en chasse une autre, au risque de l’erreur ou de recycler les mêmes mots. Des tics de langue journalistiques à leurs effets dévastateurs sur une “démocratie creuse”, l’auteure rappelle que l’antidote “aux divers poisons qui enveniment notre univers sémantique” existe bel et bien.
Si la dite crise est un diagnostic et non la maladie que l’on décrit, pourquoi ne pas “criser ” vraiment et commencer à “penser ” en produisant des idées neuves ? Alléger le poids des termes négatifs et redonner du sens, ne serait-ce que pour des réveils moins démoralisants.
Dans cette hystérie collective envenimée par la complaisance médiatique, “la parole forte, utile et éclairante” devient aussi rare que les “faiseurs d’opinion”. Décrypter les faits mais aussi le sens profond des mots et leurs effets, voilà la sauce textuelle que la sémiologue recommande d’inclure à tout assaisonnement journalistique. Aux fonctions démocratiques et éthiques, “le quatrième pouvoir ” devra s’imposer la métalinguistique pour renouer avec son rôle essentiel. Rendre tout grand concept “intelligible pour tous et inépuisable à commenter ” .
Comment les médias nous parlent (mal)
Mariette Darrigrand
Éditions François Bourin
77 pages
11€