Le nouveau patron du Medef, élu en juillet dernier, souhaite instaurer un dialogue étroit avec le gouvernement, grâce à des réunions de travail régulières à Bercy et à un « Pacte de confiance », avec François Hollande.
Les négociations pour la réforme des retraites créent de vifs débats. Que demandez-vous ?
Nous avons besoin d’une vraie réforme structurelle qui remette les choses dans l’ordre pour plusieurs années. La situation est dramatique, la France est à la croisée des chemins : nos régimes sont déficitaires de 15 milliards d’euros par an et si rien n’est fait d’ici à 2020, nous allons accumuler un déficit de 200 milliards d‘euros. Nous devons donc agir et agir en profondeur. Dans cette perspective, la seule solution acceptable et durable est de jouer sur deux paramètres : la durée de cotisation qu’il faut augmenter de 41 à 43 ans à l’horizon 2020 et l’âge légal qu’il faut faire passer de 62 à 63 ans. Or que nous propose le gouvernement ? Une hausse des taxes et des cotisations. C’est-à-dire une non-réforme. Ce faisant, on ne règle rien. Comment croire en effet que seules les cotisations des entreprises et des salariés vont pouvoir combler les 200 milliards de déficit ? En cédant une fois de plus à la facilité de la hausse des cotisations, le gouvernement obère la relance et donc l’emploi. Taxer va en effet conduire à baisser la compétitivité des entreprises, déjà à la peine, et créer du chômage : 0,1 % de hausse de cotisation, c’est à terme 6 à 10 000 chômeurs supplémentaires. Taxer, ce n’est pas réformer, c’est faire le choix du chômage.
Les règles d’indemnisation du chômage constituent l’un de vos dossiers prioritaires. Que souhaitez-vous mettre en place ?
Les incitations à la reprise du travail doivent être améliorées, par exemple l’aide à la mobilité, le logement, le travail des conjoints. Comment expliquer, en effet, que 400 000 emplois restent non pourvus dans un pays qui affiche un taux de chômage de plus de 10 % ? Parallèlement nous jugeons inéluctable une dégressivité des indemnités. En revanche, une hausse des cotisations est inenvisageable pour les raisons que je viens d’indiquer. Notre taux de prélèvements obligatoires atteint déjà 46 % du PIB contre 38 % pour la moyenne européenne.
Le niveau du chômage atteint des niveaux alarmants (10,5 % en septembre). Quelles sont vos solutions ?
Nous n’avons pas des solutions, nous avons UNE solution : l’entreprise. L‘entreprise est LA solution au chômage. Qui crée de l’emploi ? Ce sont les entreprises. Cessons de jouer sur les mots, de parler « d’emplois aidés », financés par les impôts. Le seul emploi qui vaille, le seul qui soit pérenne, le seul qui rapporte et ne coûte rien à la collectivité, est un emploi créé par le marché, par les clients, donc par l’entreprise. Un emploi qui soit lui-même créateur de richesses, non pas un emploi financé par nos impôts et par nos charges. Mais pour créer de l’emploi, il faut de la croissance. Et pour créer de la croissance, il faut des entreprises compétitives, innovantes, qui ont le soutien et la confiance, de la puissance publique. Et pour que les entreprises soient compétitives, il faut que le terreau France leur soit favorable. Cette logique pragmatique devrait être l’obsession de notre gouvernement, sa ligne de conduite. Pour relancer durablement l’emploi, les pouvoirs publics doivent agir sur la compétitivité coût, qui regroupe quatre paramètres : le coût du travail, le coût de la fiscalité, le coût de la complexité et de la rigidité administrative et le coût de l’énergie. Il y a un lien direct entre l’emploi et la compétitivité coût. Quand elles ont acquitté leurs 146 taxes, les entreprises n’ont plus les marges suffisantes pour investir, innover, développer de la valeur ajoutée et donc ne peuvent créer de l’emploi. En ce qui nous concerne, nous au Medef, nous n’avons qu’une obsession : l’emploi, l’emploi, l’emploi. C’est à cette aune que nous jugerons les initiatives des pouvoirs publics.
Peut-on réellement lutter contre le chômage en France, quand la fiscalité dans certains pays européens est bien plus avantageuse pour les chefs d’entreprise ?
Une véritable dynamique de création d’emplois ne peut se faire, comme je viens de vous l’expliquer, sans une baisse des charges fiscales et sociales, qui pèsent sur les entreprises. Or, les entreprises françaises supportent 100 milliards de charges de plus que leurs homologues européennes : 50 milliards en impôts et 50 milliards liés au coût du travail. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le rapport Gallois. Ce que je préconise, c’est une baisse de charges de 100 milliards d’euros sur 5 ans. 100 milliards sur cinq ans, c’est 20 milliards par an, soit une diminution de 1,7 % du budget de l’Etat. 1,7 % ! N’importe qui dans son entreprise, ou même dans son foyer, est capable de baisser ses dépenses de 1,7 %. Mais pas les pouvoirs publics ? A qui peut-on faire croire cela ? En attendant, tous nos indicateurs économiques sont dans le rouge : le chômage frôle les 11 %, le commerce extérieur accuse un déficit de l’ordre de 65 milliards d’euros, le déficit public sera encore autour de 4 % en 2013 et la dette atteint 92 % du PIB…
Le projet de loi de Finances de 2014 sera bientôt discuté. Quelles dispositions en faveur des entreprises aimeriez- vous voir figurer dans ce texte ?
Le PLF 2014 est crucial, il doit redonner confiance aux entrepreneurs. Ce que nous souhaitons en priorité c’est donc une baisse de la fiscalité qui pèse sur les entreprises, condition sine qua non pour relancer la croissance et l’emploi. Toute augmentation de taxe est « insupportable », au sens propre, pour les entreprises. Pour cela, il faut bien évidemment réduire les dépenses publiques. C’est faisable puisque l’Allemagne, le Canada, la Grande-Bretagne l’on fait. Qu’est-ce qui justifie qu’en France nous ayons 500 000 fonctionnaires de plus qu’en Allemagne ? Que nos dépenses publiques s’élèvent à 57 % du PIB quand la moyenne européenne est de 49 % ? En taxant à la hausse les entreprises, nous choisissons une nouvelle fois le chômage nous détruisons des emplois. Arrêtons d’inventer de nouvelles taxes ! On applique toujours la même recette depuis 30 ans : un déficit ? un problème de logement ? d’environnement ? de retraite ? de chômage ? … Une taxe. Puis, on se rend compte que cela freine l’activité, augmente le chômage, alors un dispositif fiscal qui en adoucira l’impact est mis en place. En résumé, on taxe, puis on crée une dérogation, et on retaxe ailleurs pour financer la dérogation. Tout cela est ubuesque, irrationnel et dramatique.
Dans les années 80, après l’arrivée de la gauche au pouvoir, le CNPF se montrait intransigeant avec le gouvernement, mais un certain dialogue s’était instauré entre le pouvoir et des organisations comme l’Association française des entreprises privées. Utiliserez-vous ce type de leviers ?
Nous ne sommes plus en 1981, c’était il y a plus de trente ans. La France a connu trois cohabitations politiques depuis. Le MEDEF a toujours travaillé avec les gouvernements quels qu’ils soient. Le MEDEF par définition ne fait pas de politique, sa mission est de défendre l’entreprise et de tout mettre en œuvre afin qu’elle puisse se développer pour créer de la richesse et de l’emploi. Or il est de la responsabilité du gouvernement de mettre en place un environnement fiscal, social, environnemental favorable. A partir de là, la nécessité d’entretenir un dialogue constant avec le gouvernement et de travailler avec lui s’impose. Lorsqu’un gouvernement agit pour l’emploi, nous applaudissons. Lorsqu’il met l’emploi en danger, nous réagissons. Mais dialoguons efficacement. Pierre Moscovici est venu débattre avec moi à Jouy-en-Josas lors de la dernière université d’été du Medef. Et nous avons convenu de travailler, lui et moi, tous les 15 jours à Bercy. C’est également dans cet esprit que j’ai proposé à François Hollande, lors de notre rencontre en juillet, un « Pacte de confiance » : le gouvernement nous crée un environnement réglementaire, économique et législatif favorable, les entreprises, elles, s’engagent à construire un avenir pour notre pays et à tout mettre en œuvre pour ramener le taux de chômage à 7 % à l’échéance 2020. Mais attention, je ne veux pas être l’observateur passif d’une France qui se casse la figure.
Quelles seront les mesures de votre programme France 2020 que vous souhaiteriez voir entrer dans les faits en priorité ?
L’objectif du projet « France 2020-Faire gagner la France », que j’ai officiellement lancé lors de l’Université d’été du Medef, est de présenter la vision à moyen et long terme des entreprises et des entrepreneurs pour retrouver une France ambitieuse, porteuse d’espoir et d’enthousiasme. Il vise aussi à éclairer et donner du sens aux actions à mener à court terme pour atteindre cette ambition. Il permettra aussi de faciliter les réformes structurelles, dont la France a tant besoin, en leur donnant un sens et une visibilité à même de rallier nos concitoyens, salariés, partenaires sociaux. L’avenir économique doit être défini par les entreprises, bâti par les entrepreneurs, loin du modèle colbertiste. Cette initiative associera largement, au-delà du Medef, toutes les forces vives du pays qui le souhaitent et dans tout le territoire.
En quoi votre présidence sera-t-elle différente de celle de Laurence Parisot restée huit ans à la tête du Medef ?
A la tête du Medef, je souhaite remettre la France en mouvement et redonner un espoir à chaque Français. Nous avons 5 défis à relever : celui du futur à inventer, celui du numérique, celui de la mondialisation avec 3 milliards de personnes à équiper, l’Europe à finir de construire et le défi de l’audace créatrice. Mais ces défis, nous ne pourrons les relever que si la classe politique s’emploie à nous donner un environnement fiscal, social et environnemental attractif. Si c’est le cas, nous nous engageons à ramener le chômage sous la barre des 7 %. Mon combat, c’est l’emploi et pour gagner ce combat, la solution c’est l’entreprise.