Il n’y a que la foi qui sauve. Il faut croire dans l’entreprise réconciliatrice de Michel Barnier car elle porte les derniers rêves des gaullistes, des europhiles, des centristes et même des sociaux-démocrates soucieux de se distinguer de la gauche extrême. Le nouveau chef du gouvernement a été nommé plus que choisi par Emmanuel Macron. C’est une décision imposée parce que la « France de droite » chère à Nicolas Sarkozy ne plébiscitait pas Xavier Bertrand tandis que la « France de gauche », dans sa composante socialiste, réputée la plus modérée, allait jusqu’à huer le nom de Bernard Cazeneuve. Il n’est donc pas très sérieux de raconter que le chef de l’Etat a trouvé en cet impétrant le parfait continuateur de sa politique. En réalité, Barnier a accepté la mission pour faire du Barnier quoi qu’il arrive ; avec la forme olympique et le moral olympien qui lui sont reconnus depuis des lustres. De son côté, le président de la République, comme il le semble, serait bien inspiré d’adopter la règle de la « parole rare et précieuse su chef de l’Etat » qu’enseignait naguère Jacques Pilhan, conseiller de François Mitterrand puis de Jacques Chirac.
Lors de son discours de politique générale, nous verrons l’ami de Jean-Claude Killy slalomer entre les portes des extrêmes et celles des formations du bloc central. Il jouera sans doute avec un réel savoir-faire le jeu parlementaire et il aura bien raison. L’hémicycle, en dépit des rodomontades de certains orateurs, ne saurait lui être globalement hostile comme il l’aurait été face à un Premier ministre issu de la société civile. On frémit d’ailleurs, rétrospectivement, à l’évocation de quelques personnalités citées ces dernières semaines. Que seraient-elles allées faire dans cette galère ?
Tout au long de l’ubuesque période que nous venons de vivre, nous avons vu de toute manière que les députés n’étaient pas capables de s’entendre sur un nom à proposer au chef de l’Etat. Le pouvoir était à ramasser par une femme ou un homme d’envergure, mais personne ne s’en est saisi. L’opération Lucie Castets eût pu en effet porter ses fruits si elle n’avait pas été concoctée hors les murs à partir d’une base trop étroite. Elle portait l’empreinte archi-visible de celui qui en était l’artisan, à savoir Jean-Luc Mélenchon. Autrement dit ; l’homme le moins ouvert aux compromis et autres « majorités d’idées » chères à Edgar Faure. Pas l’idéal dans une société déjà fracturée.
Alors même que les députés remettaient en cause l’autorité d’Emmanuel Macron – allant pour plusieurs jusque’à vouloir le destituer ! – ils n’ont eu de cesse, en réalité, de lui réclamer qu’il impose son choix ! Curieuse conception de la revitalisation du Parlement que celle consistant à mettre en avant la lecture présidentielle de la Constitution…
Tout le monde parle de motion de censure mais il y a fort à parier que notre nouveau Premier ministre rencontrera moins de difficultés, dans l’immédiat, avec le Parlement qu’il n’en aura avec Bercy. La vraie citadelle à prendre, c’est en effet le ministère des finances et ses satellites, aujourd’hui d’autant plus hérissés de défenses que les difficultés économiques liées au budget, à la dette et aux engagement européens sont de plus en plus prégnantes. Le rouage essentiel de la mécanique Barnier sera donc le successeur de Bruno Le Maire. L’homme de la situation serait le rocardien Eric Lombard, directeur de la Caisse des dépôts. Ce bon connaisseur de l’économie des collectivités locales est passé par plusieurs cabinets ministériels et s’est trouvé à la tête de groupes financiers. Mais le passé récent nous a appris que « cocher toutes les cases » reste un sport délicat.