À l’automne 2017, le Premier ministre Édouard Philippe a lancé Action publique 2022 aux côtés de Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, et de Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du Numérique. Ce programme – le plus ambitieux jamais lancé par l’État – vise une remodélisation de l’action publique à travers ses métiers, grâce à une transformation numérique.
Après une phase de diagnostic depuis octobre, le comité d’experts « Action publique 2022 » et le comité « Jeune Action Publique 2022 » rendront, avant avril, leurs propositions pour débuter la mise en œuvre opérationnelle des réformes. Plus de durabilité et de modernité, pour « redonner du sens, de la cohérence et de la lisibilité à l’action publique », c’est la résolution d’Édouard Philippe. Les objectifs de la transformation sont clairs : augmenter la qualité des services, moderniser le travail des agents publics et faire des économies. La conclusion doit être la suivante : moins de dépenses publiques pour le contribuable. L’État souhaite donc, dès 2020, parvenir à 4,5 milliards d’euros.
Mais quels sont ses moyens ? Pour « numériser » l’administration, il est prévu, comme souvent, de dépenser d’abord pour mieux économiser ensuite. En effet, un investissement massif est planifié : 700 millions d’euros, dont 200 d’autorisation d’engagement en 2018. C’est la première fois que l’État engage un budget aussi important pour réformer les services publics.
Le « bénéfice citoyen » au cœur de la transformation
Améliorer la qualité des administrations représente donc la première volonté d’Action publique 2022. L’État souhaite parvenir à 100 % des services dématérialisés d’ici 2022 ; ils seront tous accessibles en ligne et des applications portables sont également envisagées. La numérisation des procédures administratives doit simplifier la vie des usagers.
Les tâches récurrentes et chronophages seront automatisées, notamment grâce à FranceConnect, dispositif permettant d’accéder simplement sur internet aux services publics. De ce nouveau programme découlera indéniablement un gain de facilité et de temps, et surtout, moins de stress. Tous les usagers auront la possibilité de réaliser leur demande de CMU-C, d’ACS mais aussi de permis de construire ou de bourses, en ligne, ainsi que les formalités de rentrée scolaire.
Les citoyens français seront directement consultés grâce au forum de l’Action publique, en étant questionnés et en donnant leur avis sur les administrations et leur amélioration. Cette implication vise également la création d’un lien entre usagers, agents et organisations syndicales, afin d’optimiser l’efficacité des démarches par un dialogue social.
Des managers publics plus autonomes
Dans le but de moderniser le travail des agents publics par la numérisation, un contrat social a été mis en place afin de les accompagner vers plus de liberté. Grâce aux réformes envisagées, les managers publics organiseront leurs actions ainsi que leur budget selon leur propre volonté et leurs besoins individuels. Avec plus de capacité d’initiative, ils choisiront eux-mêmes une partie de leur recrutement et de leur rémunération. Une libéralisation du service public semble bien voir le jour. Mais le but affiché, c’est l’augmentation de l’attractivité des métiers.
En parallèle de cette autonomie croissante, les managers publics devront aller dans le sens de la transparence. En effet, pour une meilleure efficacité de leurs services, l’État demande la publication d’indicateurs de résultats et de qualités, comme par exemple, celui de satisfaction usagers. Aucune administration ne sera épargnée, et les ministères devront exploiter la réforme en premier, en tant que représentants.
De même que pour les citoyens, Action publique 2022 revendique la simplification des démarches administratives des entreprises et associations : la Déclaration obligatoire d’emploi des travailleurs handicapés pourra s’effectuer via la Déclaration sociale nominative, les demandes de financement de logements sociaux, de subventions, et les réponses aux marchés publics seront réalisables en ligne.
Une énième réforme ou une révolution ?
Se posera bien entendu la question de la faisabilité réelle. Le tout numérique fait rêver et les économies suivront nécessairement. Mais encore faut-il que réformer l’administration soit possible. Malgré tous les moyens et fonds investis, il est aujourd’hui difficile de dématérialiser complètement nos services publics. Le risque de laisser une nouvelle fois de côté les territoires ruraux, comme les petites entreprises, est présent. Tout le monde ne possède pas un accès à internet et les acteurs de certaines activités traditionnelles n’ont peut-être pas encore envie d’être tous « connectés ».
Le bénéfice citoyen envisagé existe clairement sur le papier. Mais les missions de l’État ne sont pas assez définies pour savoir exactement comment la parole des usagers sera entendue, et si elle aura une influence sur les actions gouvernementales. Les ambitions d’Action publique 2022 tendent à faire entrevoir des changements profonds car la courte période prévue pour une totale numérisation annonce un bouleversement fondamental. La réforme prendra alors des allures de révolution, surtout si elle débouche sur une amélioration radicale de l’efficacité de l’administration publique. À l’heure actuelle, elle présente encore beaucoup de ressemblances avec les réformes passées et semble trop floue pour que le grand public s’attende à un tournant décisif.
Crédit image à la une : © Vernier/JBV NEWS.