Le 5 mai sortira au cinéma le documentaire « Les Pieds sur terre », racontant la vie et la lutte des habitants d’un village menacés d’expulsion par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
Dans le village du Limimbout règne un harmonieux désordre. Le temps de 82 minutes, les réalisateurs Bertrand Hagenmüller et Batiste Combret rapportent la vie de ce petit hameau d’une dizaine d’habitants, situé sur la commune de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique).
Un « petit groupuscule d’anarchistes » ?
Une partie du Limimbout est située sur la ZAD (Zone à défendre), menacée de rasage si la construction de l’aéroport est enclenchée. Les deux réalisateurs des « Pieds sur terre » sont partis à la rencontre de ses habitants, tordant le cou à l’idée que les opposants au projet d’aéroport ne constituent qu’un « petit groupuscule d’anarchistes » (pour reprendre les mots de Marine Le Pen le 24 février sur France Bleu).
Le tableau qu’ils peignent de cette communauté est autant pétri d’espoirs que de contradictions. Jeunes, vieux, anciens citadins, paysans de père en fils… S’ils se connaissent entre eux, tous ne se fréquentent pas. L’hétérogénéité de cet ensemble frappe, et c’est là le principal intérêt du film.
Sur la façon d’organiser la lutte, pas de point de vue unique. Claude, arrivé au Limimbout dans les années 1990, pense qu’il ne passera jamais « la ligne jaune » : la violence, notamment contre les forces de l’ordre. Dans un souffle, il concède tout de même apprécier que « d’autres la franchissent pour lui »…
En 2014, Marcel Thebault, agriculteur au Limimbout depuis les années 1980, s’exprime aux côtés de José Bové lors d’un grand rassemblement de soutien. Les jeunes garçons et filles installés dans une grange du village pour défendre la zone rient jaune : José Bové est député européen, le « système » l’aurait absorbé, ses convictions seraient aujourd’hui bien loin de rejoindre les leurs.
Stop ou encore ?
Le chantier de l’aéroport est toujours en suspens. Dernier rebondissement en date : le 18 janvier, une trentaine de personnes expropriées ont réclamé de récupérer leur parcelle, comme la loi les y autorise, étant donné qu’aucun des travaux annoncés n’a débuté cinq ans après la signature des arrêtés d’expropriation.
Plus tôt, le 26 juin 2016, les habitants de la Loire-Atlantique se prononçaient à 55,17% en faveur du projet de construction de l’aéroport. Si le Premier ministre Bernard Cazeneuve souhaite respecter ce scrutin et poursuivre le projet, il a aussi annoncé qu’aucune expulsion ne sera provoquée tant que les recours judiciaires et administratifs ne seront pas achevés. Et ils sont nombreux : contre un arrêté de septembre 2016 autorisant la destruction d’une espèce protégée, ou contre une délibération établissant le schéma d’organisation territoriale Nantes – Saint-Nazaire par exemple.
Mais le gouvernement Cazeneuve ne sera plus au pouvoir d’ici quelques mois. L’occasion de passer en revue les positions des principaux candidats à la présidentielle vis-à-vis du projet. Emmanuel Macron (En Marche !), François Fillon (Les Républicains) et Marine Le Pen (Front national) se sont engagés à poursuivre le projet de construction de l’aéroport, conformément aux résultats du référendum local.
Le candidat de la droite et du centre veillera à faire « respecter la loi ». Marine Le Pen, si elle s’est personnellement prononcée contre le projet d’aéroport, enclenchera pourtant les expulsions « avec fermeté ». L’ancien ministre de l’économie de François Hollande tentera quant à lui une médiation de six mois avant d’user de la force pour évacuer la zone.
À gauche en revanche, Benoît Hamon (Parti socialiste) et Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), souhaitent tous deux mettre un terme définitif au projet de Notre-Dame-des-Landes. S’il est élu Président, le candidat PS suspendra la déclaration d’utilité publique, jugeant que « ce chantier crée plus de discorde et de désordre qu’il n’apportera de perspectives économiques. ». Dans la même lignée, M. Mélenchon affirme sans sourciller qu’il ira contre les résultats de la consultation populaire du 26 juin, jugeant que ce référendum a « zéro valeur ». Selon lui, l’ensemble des citoyens français aurait dû être appelé au vote car « un aéroport de cette taille concerne tout le système de transports du pays ».
Si l’avenir des habitants de Notre-Dame-des-Landes reste incertain, Les Pieds sur terre invite en tous cas à une plongée dans leur présent.
Les Pieds sur terre
Film documentaire
Réalisé par Bertrand Hagenmüller et Batiste Combret
Sortie en salles le 3 mai 2017