Par Marie-Bénédicte Desvallon, Associée fondatrice de Wat & Law
Après l’enthousiasme des COP21 et COP22 riches en déclaration d’intentions, suivies de programmes politiques parfois ambitieux mis en œuvre par l’adoption de nombreux textes, force est de constater que le financement des entreprises et des projets connaît une véritable mutation avec l’engouement pour le secteur des énergies renouvelables (« EnR »).
Une entreprise innovante dans le secteur des EnR se voit aujourd’hui disposer d’un panel de sources de financement à la fois en phase d’investissement et en phase d’exploitation.
Pour autant dans le labyrinthe des options disponibles et la démultiplication des interlocuteurs, chose n’est pas aisée d’appréhender la structuration du financement ou plutôt des financements nécessaires au développement de l’entreprise et de ses projets.
La bancabilité d’un projet aujourd’hui est subordonnée à un critère nouveau qu’est celui de l’environnement ; lequel s’ajoute aux risques technologiques, d’exploitation et de maintenance, règlementaires (volet tarifaire et fiscal), risque marché, financier et politique.
L’enjeu peut se transformer en opportunité voire en opportunisme pour certains. Le cas des centrales à charbon dites « vertes » illustre la tentation de dévoyer l’objectif des financements verts. Il appelle surtout à la mise en place de garde-fous juridiques, techniques et humains pour réaliser l’impérieuse transition énergétique.
Des outils de financement dédiés en phase investissement et construction
Niveau institutionnel, les prêteurs tels que la BEI[1], l’AFD, la BPI[2] complètent leur gamme de produits en créant de services dédiés au secteur des EnR. Ainsi la Caisse des Dépôts et Consignations a créé le fonds de financement de la transition énergétique.
Au-delà des financements classiques en fonds propres, ou la valorisation de la propriété industrielle et intellectuelle à la fois en tant qu’apport en société ou sûretés, le financement par la dette n’est plus seulement bancaire mais peut également être obligataire par l’émission d’obligations vertes.
S’il n’est pas nouveau, le concept des obligations vertes permet de flécher le financement accordé par les investisseurs vers le secteur des EnR en considération de l’impact environnemental mesuré selon des critères tels que les émissions de GES[3] évitées, sans pour autant se distinguer par leurs modèles économiques des autres obligations. Pour les émetteurs les obligations vertes apportent une réponse aux besoins d’investissements lourds et à long terme dans le secteur des EnR aussi bien pour les sociétés que pour les collectivités territoriales et les institutions publiques. En janvier 2017 l’Etat français a ainsi émis ses premières obligations vertes en empruntant 7 milliards d’euros sur une échéance de 22 ans.
Cependant à défaut de cadre règlementaire abouti, les obligations vertes offrent un nouveau moyen de greenwashing. L’élaboration de textes juridiques doit permettre d’assurer un contrôle continu de la destination des investissements avec une standardisation des indicateurs de performance aux fins de mesurer l’impact environnemental réel. En cas de manquement il est indispensable de prévoir les conséquences et sanctions effectives pour maintenir l’efficience et la crédibilité des mesures.
Ouvert aux sociétés par actions et sociétés coopératives, le financement participatif régi par l’Article L.314-28 du Code de l’énergie, s’inscrit dans la transition pour tous par tous soulignée par la Loi TECV. En 2016, le financement participatif soutenait plus de 150 projets dans le secteur des EnR via des plateformes dédiées. La participation par voie de dons contribue aux réserves de la société (et non le capital) alors que celle par voie de prêt finance la dette. Le défaut de financement participatif par voie d’attribution d’actions traduit cependant une appréhension sur l’ingérence des citoyens dans la gouvernance de la société bénéficiaire. Au-delà de l’aspect financier, le recours au financement participatif permet de faciliter l’acceptabilité des projets comme on peut le voir au Danemark où les projets éoliens doivent être financés à hauteur de 20% par ce biais.
Enfin les fonds d’investissement tels que les organismes de placement collectifs et les fonds d’investissements alternatifs auxquels sont décernés des labels verts peuvent accompagner les entreprises dans le financement de leurs investissements.
Des mécanismes de soutien en phase exploitation et des revenus annexes
Le remboursement de la dette dépend des revenus générés par la vente d’électricité produite.
Après l’obligation d’achat contestée, le complément de rémunération tend à sécuriser le financement de l’exploitation de certaines catégories d’installations listées en fonction de la puissance installée (en désignant un acheteur en dernier recours, le cas échéant).
Nouveau dispositif de soutien de la production d’électricité à partir des EnR, le complément de rémunération est une aide en la forme d’une prime qui s’ajoute au prix de marché sous réserve qu’il corresponde à une rémunération normale de capitaux. Les producteurs doivent vendre directement l’électricité sur le marché au prix du marché et supporter les standards en matière d’équilibrage alors que l’Etat doit mettre en place des mesures permettant d’éviter la vente à prix négatif.
En parallèle des outils de financement susvisés, le marché carbone peut apporter un complément de revenu indépendant de la production d’électricité mais lié aux émissions de GES évitées. Après la taxe carbone, la France souhaite former un « corridor » du prix du CO2 encadré par l’adoption d’un prix plancher de 56 Euros d’ici 2020 à 100 Euros en 2050 mais pour le seul secteur du charbon. L’effet d’annonce du prix plancher peine à effacer les dérives des quotas gratuits sur le marché EU ETS en cours de réforme lui aussi.
De la transition énergétique à la transition écologique pour contrer le greenwashing
Alors que la transition énergétique traduit le passage d’une société fondée sur la consommation d’énergie fossiles vers une société bas-carbone, la transition écologique intègre des critères environnementaux, sociétaux, de développement durable (en ce compris la biodiversité).
Si on ne peut que saluer les initiatives en faveur d’une économie bas carbone, elles ne dissimulent pas l’insuffisance des cadres juridiques mis en place notamment sur les sanctions en cas de manquement, ni les contradictions avec les positions adoptées sur le nucléaire français et britannique.
La transition énergétique doit être appréhendée dans le cadre plus large de la transition écologique dont les enjeux dépassent ceux des acteurs du secteur pour contrer le greenwashing.
WAT & LAW
122 Rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
[1] Banque Européenne d’Investissement
[2] Banque Publique d’Investissement
[3] Gaz à effet de serre