« Il est nécessaire de poser des limites à la « mauvaise » finance utilisée à des fins contraires à la morale, et d’encourager la « bonne » finance indispensable au développement économique de notre pays. » C’est en ces termes que Michel Sapin présente l’objectif global de son projet de loi, composé de trois volets : transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique.
Les lanceurs d’alerte au cœur des débats
Pour renforcer la transparence, « une conquête jamais achevée » mais « nécessaire à notre démocratie et à notre économie » selon l’actuel ministre des Finances et des Comptes publics, trois axes sont explorés par le texte de loi. Le premier consiste en la création d’un répertoire national numérique des « représentants d’intérêts » : lobbys, entreprises, ONG, associations, syndicats, etc. Ils devront s’y enregistrer pour rencontrer ceux qui participent à la fabrication de la loi, et l’inscription obligera les signataires à respecter certaines règles déontologiques. Le second axe est d’actualité puisqu’il concerne les lanceurs d’alerte. Le projet de loi donne pour la première fois une définition juridique de ces individus : est lanceur d’alerte toute personne qui « révèle ou témoigne, dans l’intérêt général et de bonne foi, d’un crime ou d’un délit, de manquements graves à la loi ou au règlement, ou de faits présentant des risques ou des préjudices graves pour l’environnement, la santé ou la sécurité publiques ». Il les dote également d’un statut protecteur, notamment en matière financière, puisqu’il leur accorde une avance des frais de procédure juridique. Le dernier sous-thème de ce volet sur la transparence est relatif à l’obligation de reporting financier public pays par pays – nombre de salariés, chiffre d’affaires, impôts sur les bénéfices, etc. – pour les entreprises multinationales.
Moins de corruption pour plus de compétitivité
La France étant souvent pointée du doigt en raison de la faiblesse de ses dispositifs de lutte contre la corruption – notamment par l’OCDE et l’ONG Transparency International – le projet de loi vise à mieux lutter contre ce fléau. Selon Michel Sapin, ces manquements dans la lutte contre la corruption transnationale « nuisent à l’image de la France et donc à la compétitivité des entreprises françaises ». Ainsi, pour se mettre aux standards de la lutte anticorruption, le texte prévoit la création d’une Agence nationale de prévention et de détection de la corruption, la mise en place d’un dispositif de prévention de la corruption pour les grandes entreprises et le renforcement de l’arsenal répressif. L’agence nouvellement créée devra veiller à ce que toutes les entreprises de plus de 500 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 100 millions d’euros mettent en place des procédures pour prévenir le risque de corruption, par exemple la formation de leurs salariés.
Une modernisation économique à plusieurs facettes
Enfin, pour reprendre les termes de Michel Sapin, « ce projet de loi contient des mesures destinées à moderniser la vie économique, en permettant notamment un financement plus diversifié de notre économie tout en assurant la protection des investisseurs ». Le projet de loi vise premièrement à rendre la régulation financière plus efficace, ce qui passe notamment par le renforcement des pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers (AMF), la création d’un régime français de résolution en assurance pour préserver les intérêts des assurés, ou encore la sauvegarde des biens diplomatiques pour lutter contre les pratiques prédatrices des fonds vautours. Renforcer la protection des consommateurs et des épargnants est le deuxième objectif de cette modernisation. Les mesures phares du texte sont ici l’interdiction de la publicité pour les sites internet de trading qui proposent des instruments financiers risqués et la réduction de la validité des chèques de un an à six mois. Par ailleurs, le texte de loi veut inciter les épargnants à investir dans l’économie réelle, et notamment dans les entreprises sociales et solidaires – qui sont à l’origine de 10 % du PIB français –, en instituant dans le livret de développement durable un volet dédié à ce type d’économie. Pour finir, le projet de loi vise à favoriser l’initiative économique et le parcours de croissance des entreprises, à travers par exemple le renforcement des sanctions relatives aux retards de paiement et le vote des actionnaires au sujet des rémunérations des dirigeants rendu contraignant. Très riche, la loi Sapin 2 sera sans doute l’une des dernières grandes réformes du quinquennat de François Hollande. En attendant la loi travail…
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