Sans avoir jamais exercé de mandat national, vous êtes désormais à la tête de la région la plus industrielle de France : quelles sont vos ambitions pour ce territoire ?
Construire ensemble la nouvelle région, mener de toutes nos forces la bataille de l’emploi et faire émerger un modèle de développement plus durable. Tels sont les principaux axes du projet de mandat dont nous préparons l’exécution. Construire ensemble la Bourgogne-Franche-Comté est un acte historique. La réunion des deux régions est un acte de confiance en l’avenir qui doit être réalisé par tous les acteurs du territoire. Cette fusion, elle réussira à condition de ne pas faire disparaître nos différences et nos singularités, et à condition que tous y participent. Les rapprochements et les fusions effectives autour de notre collectivité prennent forme. C’est une réalité territoriale nouvelle qui va prendre tout son sens pour le développement économique, l’aménagement du territoire, les transports, la formation… Mais la Région a aussi un rôle pour le vivre-ensemble. Notre société est traversée par des convulsions individualistes et d’intolérance. Parce que la culture, le sport et la vie associative sont essentiels au vivre ensemble, nous nous engageons à sanctuariser les moyens qui y sont consacrés. Nous mènerons de toutes nos forces la bataille pour l’emploi, par une pleine mobilisation des compétences économiques que nous confère la réforme territoriale, en concertation avec les entreprises et nos partenaires. Nous devons rester l’une des premières régions industrielles de France, et une grande région agricole, tout en investissant dans les gisements de nouvelle croissance pour susciter les emplois de demain. L’autre principal levier dont nous userons pleinement, c’est celui de la formation : la formation initiale, celle des plus jeunes, et la formation tout au long de la vie, pour construire la sécurité professionnelle pour les salariés les plus exposés aux risques. Enfin, la mobilisation générale pour l’emploi prendra la forme de l’écriture de nouvelles pages du dialogue social territorial. Notre dernier défi, celui d’un développement plus durable, que nous relèverons en faisant de la Bourgogne-Franche-Comté un territoire à énergie positive. Nous soutiendrons le développement des nouvelles mobilités avec des transports plus collectifs et plus verts en prenant appui sur un service de transport ferroviaire de qualité et durable. Enfin, le développement durable, c’est aussi celui d’une région solidaire avec les personnes les plus fragiles et qui subissent les mutations de notre économie. C’est tout l’enjeu de l’économie sociale et solidaire que nous voulons faire changer d’échelle.
À votre avis, comment vont s’articuler les compétences entre Régions, Départements, Métropoles, etc. ? La loi NOTRe a-t- elle clairement fixé leur répartition ?
Tout d’abord, la loi donne à notre région une dimension critique qui nous permettra de faire plus et mieux, de mobiliser des moyens d’un niveau inégalé pour construire une politique de développement et de solidarité de très grande échelle. Mais la loi renforce aussi nos compétences. Dans le domaine économique, des transports, du tourisme, nous allons pouvoir mener à bien des projets de grande envergure et garantir aux usagers et destinataires de nos services plus de simplicité, d’efficacité, de cohérence et de transparence. En créant les grandes régions, la loi organise la décentralisation de notre pays autour d’un nouveau couple Régions-intercommunalités, dont l’existence et la cohérence viennent compléter les compétences dédiées à l’Etat et aux municipalités. Mais cela ne doit pas être synonyme de lourdeur et de sectarisme. Je veillerai, avec nos partenaires, à la justice territoriale et aux soutiens aux initiatives de développement local qui vont dans l’intérêt d’une grande région forte, solidaire et responsable. Tous les acteurs concernés devront faire partie de ce projet de territoire, et le projet de mandat pourra être enrichi avec toutes les propositions émanant du territoire dès lors qu’elles serviront l’intérêt général et les valeurs que nous portons.
Quelle pédagogie allez-vous mettre en œuvre pour que les habitants prennent conscience de leur nouveau territoire ? Quel- le communication faut-il adopter, d’après vous, pour créer une véritable identité régionale intégrant les nouvelles frontières ?
De la même manière que je suis adepte de la politique par la preuve, je souhaite faire de la pédagogie par l’action. Bien avant la promulgation de la loi NOTRe, François Patriat, président de la région Bourgogne, et moi-même alors présidente de la région Franche- Comté, avions travaillé au rapprochement de nos territoires dont les destins ont souvent été liés et regorgent de ressemblances et de complémentarités. D’ailleurs nombreux sont les acteurs, économiques, associatifs ou encore universitaires, à avoir pris ce chemin avant nous. Les francs-comtois et les bourguignons sont attachés à leur histoire, leurs terroirs, et plus largement à tout ce qui fait leur singularité. L’identité franc-comtoise n’est pas soluble dans l’identité bourguignonne tout comme l’identité bourguignonne n’est pas soluble dans l’identité franc-comtoise. Mais en même temps, bourguignons et francs-comtois ne sont pas réductibles à ces identités. Mon travail en tant que présidente de région, c’est de porter un projet fort pour la nouvelle région, capable d’incarner un véritable projet de société fait de solidarité, de fraternité et d’une action publique au service de ses habitants. Les nouvelles frontières offrent de nouvelles opportunités : simplification des démarches, expériences partagées, diffusion des œuvres, des projets, des idées, création d’une véritable université fédérale… Les habitants s’en apercevront plus rapidement que nous ne l’imaginons. Je suis persuadée que créer une véritable identité régionale, intégrant les spécificités des anciennes régions, est à portée de main. En montrant les synergies, les complémentarités et les projets émergents, nous arriverons à mettre du liant entre les acteurs. Je l’ai annoncé durant ma campagne, je souhaite que ce mandat soit l’occasion d’élaborer un véritable programme de consultation et d’information des habitants afin de créer les conditions d’une démocratie participative. Les rencontres qui naîtront de cette dynamique apporteront leur pierre à l’édifice.