A l’heure où la consommation de sucre en France relève d’un enjeu de santé publique, la députée MoDem de la 9ème circonscription du Pas-de-Calais alerte sur les dérives industrielles que pourrait entrainer la nouvelle taxation des boissons sucrées. A savoir une substitution massive des sucres ajoutés par les édulcorants.
Fin novembre, l’Assemblée nationale a adopté de nouvelles mesures pour augmenter la taxation des boissons contenant du sucre ajouté ou des édulcorants. Pensez-vous que taxer le consommateur l’incitera réellement à réduire sa consommation de boissons sucrées ?
Le but de ces nouvelles mesures ne consiste pas tant à taxer le consommateur qu’à inciter les industriels à réduire la quantité de sucre qui est ajoutée dans les boissons. Malheureusement, ce n’est qu’avec la taxation que l’on parviendra à leur faire entendre raison. Afin qu’ils restent bien conscients des enjeux de santé publique, il me semble important d’adopter une ligne incitative et directive pour montrer la voie que l’on veut suivre.
En ce sens, les édulcorants présentent un peu un « effet pervers » dans la mesure où ils ne modifient pas le goût des aliments malgré les calories en moins. Sans oublier leur composition chimique, dont les effets nocifs ou bénéfiques sur la santé n’ont pas encore été démontrés selon l’ANSES. Plutôt que d’utiliser ces produits le plus souvent importés de Chine ou des Etats-Unis, je suis favorable à une consommation de sucre plus raisonnée, issue d’une production locale.
Plutôt que de taxer tous les produits à tout prix, je pense qu’il faudrait avant tout éduquer la population à adopter une alimentation comme une discipline de vie plus saines, en lui expliquant que c’est dans son propre intérêt.
Concrètement, qu’est-ce qui change avec la nouvelle taxe soda ?
La première taxe soda, votée en 2012, touchait de manière équivalente toutes les boissons contenant du sucre ajouté ou des édulcorants. La nouvelle version est indexée au sucre des boissons et aboutit à une taxation cinq fois plus importante des boissons sucrées naturellement, par rapport à celles reformulées avec des édulcorants de synthèse.
Pour maintenir le goût, les industriels risquent donc naturellement d’augmenter l’utilisation d’édulcorants pour « compenser » la diminution de sucre dans leurs produits. C’est pourquoi je demeure favorable à une taxation intermédiaire et une fiscalité sur les édulcorants de synthèse qui soit alignée à celle des sucres, moins punitive pour les producteurs de betteraves sucrières et de cannes à sucre de nos terroirs.
Les boissons sucrées ne sont pas le seul produit de consommation contenant trop de sucre. Seriez-vous favorable à l’idée d’étendre la taxe à d’autres produits ?
La lutte contre le « manger trop sucré » est le combat de tous et je ne pense pas que les boissons puissent être la seule cible . Que ce soit à l’échelle des collectivités, des établissements scolaires ou des familles, il s’agit d’un enjeu fondamental dont doivent s’emparer tous les acteurs pour combattre l’obésité.
Plutôt que de taxer tous les produits à tout prix, je pense qu’il faudrait avant tout éduquer la population à adopter une alimentation comme une discipline de vie plus saines, en lui expliquant que c’est dans son propre intérêt. En ce sens, le logo « Nutriscore » peut notamment servir de guide, d’autant que les consommateurs prennent désormais l’habitude de vérifier la composition nutritionnelle des produits ainsi que leurs barèmes.
Je pense que c’est d’abord aux citoyens de se prendre en charge et l’éducation peut beaucoup y contribuer.
Certains estiment que la taxation est un système trop punitif. Dans une tribune parue sur lefigaro.fr, Bill Wirtz, analyste de politiques publiques et coordinateur pour European Students for Liberty, dénonce même un « Etat nounou ». Que lui répondriez-vous ?
En tant qu’originaire des Hauts-de-France, je peux assurer que bien avant l’« Etat nounou » notre Région a connu « les Houillères », considérées à l’époque comme une entreprise paternaliste qui prenait tout en main, quitte à assister la population dans toutes ses problématiques. Ce système a montré ses limites puisque lorsque ces sociétés se sont retirées, les habitants se sont tournés vers les élus et vers l’Etat qui ont alors du tout assumer. C’est pourquoi je pense que c’est d’abord aux citoyens de se prendre en charge et l’éducation peut beaucoup y contribuer.
L’obésité est une maladie liée à des facteurs multiples : comment sensibiliser le plus grand nombre à l’adoption d’une meilleure hygiène alimentaire et d’un mode de vie plus sain ?
Bien que ces dernières années nous avons tous vu des campagnes de pub comme « 5 fruits et légumes par jour » ou « Manger bouger », c’est au quotidien qu’il faut agir et prendre des mesures. Il y a quelques années par exemple, les enfants allaient à l’école à pied et avaient l’habitude de marcher, alors qu’aujourd’hui il leur suffit de prendre le bus scolaire pour se rendre en classe. L’éducation doit se faire à tous les niveaux et dès le plus jeune âge. Au niveau des Hauts-de-France, la prise de conscience est d’autant plus grande puisque l’obésitépose un vrai problème dans cette région. Le Conseil régional a notamment pris des mesures pour viser un pourcentage de produits « bio » et locaux d’ici deux-trois ans dans la restauration collective. Il est très important que cette démarche s’accomplisse au niveau national – et je sais que c’est aussi le souhait du Président Macron – parce que c’est en utilisant les circuits courts que l’on arrivera à avoir une alimentation plus saine.