Le 8 juillet 2025, l’Assemblée nationale a définitivement adopté la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Porté par les sénateurs Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (UC), ce texte soutenu par la FNSEA et le gouvernement ambitionne de simplifier la vie des agriculteurs au sein d’une filière en crise.
Néonicotinoïdes : le retour par dérogation
Mesure phare du texte, la réintroduction « à titre dérogatoire » de l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes interdit depuis 2020, a cristallisé la majorité des critiques. Son utilisation pourra désormais être décidée par décret « en cas de menace grave pour la production agricole », une notion jugée trop floue par les ONG. À l’heure où 500 000 hectares pourraient être concernés selon les estimations, les apiculteurs dénoncent déjà les effets dévastateurs de ces substances sur les abeilles, assimilant ainsi le texte à une « loi poison ».
Mégabassines et élevages industriels facilités
Celui-ci reconnaît aussi les mégabassines comme répondant à une « raison impérative d’intérêt public majeur », ce qui facilitera leur implantation, même dans des zones protégées. Une mesure décriée par les défenseurs de l’environnement, alors que seules 1 % des exploitations irriguantes pourraient en bénéficier.
Autre mesure polémique : le relèvement des seuils d’évaluation environnementale pour les élevages industriels (jusqu’à 85 000 poulets, 3 000 porcs ou 900 truies), qui rendra plus rares les autorisations obligatoires. De quoi faire craindre aux associations une explosion des impacts sur l’air, les sols et l’eau, sans amélioration des revenus pour les petits exploitants.
Un potentiel affaiblissement des contrôles, l’indépendance de l’Anses préservée
La loi modifie également la gouvernance de l’Office français de la biodiversité (OFB), qui voit son action placée sous tutelle des préfets pour les contrôles administratifs. Pour les syndicats, cette réforme risque de politiser les missions de police de l’environnement, en particulier dans les zones sensibles.
Initialement ciblée, l’Anses conserve son indépendance scientifique, après le retrait en commission mixte paritaire (CMP) d’un article controversé. Mais le maintien du Comité des solutions, qui regroupera les filières autour des cas d’« impasse technique », fait craindre des pressions indirectes.
Une loi au service de qui ?
Adoptée par 316 voix contre 223, la loi Duplomb suscite un clivage profond. Ses soutiens estiment en effet qu’elle simplifierait la vie des agriculteurs tout en protégeant les productions françaises face à la concurrence. Pour ses détracteurs, elle sacrifie l’environnement, affaiblit les garde-fous sanitaires et profite à une agriculture industrielle minoritaire. Plusieurs groupes de gauche ont d’ores et déjà annoncé un recours devant le Conseil constitutionnel.