Il y a des choses qui vont s’en dire mais qui se comprennent mieux, c’est bien connu, en les disant. C’est fort de cet adage que le président de la République est entrésans complexe dans la campagne des européennes. Il a voulu montrer qu’il n’était ni neutre ni inerte, ne serait-ce que parce qu’il considérait comme de son devoir d’attirer l’attention sur certains périls. C’est pourquoi il a parléde la « connivence »entre les « nationalistes »et certains « intérêts étrangers ». Cette mise en garde n’est pas de l’ordre du fantasme, même si elle ne peut pas se faire plus précise dans la bouche d’un chef d’Etat s’apprêtantàrecevoir ses homologues au G7 de Biarritz en août prochain. Tous ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre distinguent bien cependant le manège des officines s’attachantàfaire éclater l’organisation politique du continent ainsi que l’alliance monétaire des pays membres de la zone euro. Ainsi se trouvent propagées les idées des europhobes « de conviction »qui croient qu’àl’intérieur de frontières retrouvées ils pourront maitriser les flux migratoires, contrôler les prix et éliminer toute concurrence étrangère. Leur ingénuitéintéresse beaucoup ceux qui, aux Etats-Unis, en Russie et en Chine redoutent l’émergence d’une « Europe puissance »qui, pourtant, tarde àvenir en matière de défense comme d’harmonie fiscale. Les alliés extérieurs des nationalistes sont loin d’être tous des brutes incultes. Issus des universités américaines ou des anciennes académies de la nomenklatura soviétique, ils sont mieux informés pour la plupart des caractéristiques de l’histoire européenne que beaucoup d’habitants du continent (dont nombre de Français…). Ils savent que la construction communautaire fonctionne en dents de scie. C’est quand tout va mal que se produisent les plus grandes avancées. D’oùleur fébrilitéactuelle et leurs offensives tentatrices en direction de l’extrême-droite autrichienne, épisode qui n’a pas étésans rappeler le financement d’une campagne de Marine Le Pen par une banque russe…
Compte-tenu du nombre de listes aux prises dans le contexte électoral strictement français, les vertus pédagogiques de la campagne en vue du scrutin du 26 mai n’ont pas sautéaux yeux. Qui a appris quelque chose de plus sur les institutions de Strasbourg et de Bruxelles ces dernières semaines ? Qui a étépersuadéd’aller voter par les spots télévisés des différentes familles politiques comme atomisées ? Les citoyens consciencieux, comme toujours. Il en existe encore mais leur nombre progressera-t-il ? La « lecture »des résultats, dimanche soir, se fera en conséquenceàdifférents niveaux. Le plus indicatif portera sur la traduction de « la crise des gilets jaunes » dans les urnes. Est-ce que le « sursaut de citoyenneté »qui a paru caractériser le mouvement va provoquer un nouvel engouement pour le vote démocratique ? L’abstention ne pourrait prendre prétexte cette fois-ci de la pauvretéde l’offre politique car des gilets jaunes se retrouvent dans plusieurs listes différentes, sans compter celles des formations qui se déclarent solidaires de leurs revendications. Un second angle d’analyse portera sur la popularitéprésidentielle, Emmanuel Macron étant entrédans l’arène àses risques et périls. En troisième lieu, il faudra mesurer l’état des forces des formations naguère dites « de gouvernement », c’est àdire le PS et Les Républicains, après deux ans de présidence Macron et dans la perspective des municipales de mars 2020. Cette dernière observation en amènera une autre, peut-être pas la plus joyeuse : celle de la lourdeur de l’addition des votes émanant des citoyens qui, dans notre pays, rêvent d’éparpiller l’Europe « façon puzzle », pour employer la terminologie de Bernard Blier dans « Les tontons flingueurs ».