Quand on parle de l’ESS, on ne pense pas nécessairement aux banques et pourtant votre institution fait partie de ce secteur…
Florence Raineix : Oui, les Caisses d’Epargne sont des entreprises coopératives à part entière, implantées sur les territoires. Elles appartiennent à leurs 4,4 millions de sociétaires, majoritairement des particuliers, dont chacun dispose du même droit de vote en assemblée générale, selon le principe “1 personne = 1 voix”, quel que soit le nombre de parts sociales qu’il détient. En plus d’une gouvernance démocratique, les Caisses d’Epargne ont une activité non délocalisable, qui se traduit par une forte contribution au développement des territoires. C’est un fonctionnement en symbiose avec les régions et leurs habitants. Les Caisses d’Epargne font partie intégrante d’un écosystème local. Au-delà de leur enracinement au territoire, leur modèle tire sa force des principes universels partagés par le mouvement coopératif au niveau international : ouverture au plus grand nombre ; démocratie; participation économique des sociétaires; autonomie et indépendance; éducation, formation et information; coopération; engagement envers la communauté. Avec la crise sanitaire que nous traversons, ces valeurs sont plus que jamais d’actualité.
Selon vous, quelle sera la place de l’ESS au sein de notre économie dans les années à venir ?
Florence Raineix : L’économie sociale et solidaire sera amenée selon nous à jouer un rôle de plus en plus crucial ces prochaines années : c’est une conviction et déjà une réalité. Même si la crise sanitaire a pu fragiliser certaines de ses structures, l’ESS se développe et est appelée à occuper une place de plus en plus importante. Avec 222 000 établissements, elle représente déjà 10 % du PIB en France, 12 % de l’emploi et exerce dans tous les secteurs d’activité. Ce développement devrait s’accélérer rapidement.
Fabrice Gourgeonnet : L’économie sociale et solidaire est un secteur d’avenir car elle participe positivement à une évolution de notre société que nous souhaitons accompagner vers un modèle plus responsable, plus inclusif, plus respectueux de l’environnement et de l’humain. Mais elle a aussi un rôle clé dans le développement économique des territoires. Ce modèle de croissance durable est centré sur la recherche d’un impact positif en matière sociale et/ou environnementale : un modèle porteur de sens, particulièrement aujourd’hui, pour répondre aux enjeux de relance, de transition écologique et faire face aux enjeux sociaux qui sont devant nous.
En accompagnant son développement, nous permettons ainsi à ses acteurs de relocaliser l’économie, de favoriser les circuits courts et l’économie circulaire, et de créer des emplois de proximité, très souvent avec une volonté de contribuer à l’insertion. Je suis convaincu que cet écosystème très vertueux pour notre modèle économique comme pour nos territoires doit être un axe majeur de la reprise pour impulser une nouvelle dynamique de relance plus responsable et pérenne sur le long terme.
Aujourd’hui, quelles sont vos ambitions pour accompagner le secteur de l’ESS ?
Fabrice Gourgeonnet : La Caisse d’Epargne est un partenaire historique des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Nous sommes le premier financeur de ce secteur avec 1 milliard d’euros de crédits dédiés chaque année et comptons aujourd’hui parmi nos clients plus de 20 000 structures employeuses.
Nous avons fait le choix depuis toujours d’accompagner l’ensemble de ses acteurs, quels que soient leur taille ou leur secteur d’activité. Aujourd’hui, nous avons l’ambition d’être la banque référente de l’ESS en contribuant largement à sa croissance autour de deux axes.
Premièrement, accompagner l’évolution du secteur, notamment les rapprochements entre acteurs historiques, mais aussi l’arrivée sur le marché ou le changement d’échelle d’entreprises ou “startup” sociales. Cela passe bien sûr par une fine compréhension de leurs business models : assimiler totalement les acteurs de l’ESS à des entreprises classiques serait une erreur. Par leur objet social, leur gouvernance participative, leurs financements souvent pluriels, leurs contraintes fiscales (…), les acteurs de l’ESS nécessitent un accompagnement adapté. Nous avons pour cela mis en place un réseau de plus de 150 conseillers, spécialistes du secteur et mobilisés partout en France. Mais cela passe aussi par une capacité à financer des projets parfois très innovants et alternatifs. La valorisation croissante de la performance extra-financière des organismes est un levier majeur qui nous permettra dans les années à venir de financer de plus en plus de projets en les aidant à concilier au mieux leurs enjeux de performance et de responsabilité.
Parallèlement, nous sommes convaincus que le développement de l’ESS passera par une plus grande visibilité de ses acteurs car ce secteur est encore trop méconnu. Sur ce point, nous devons tous nous mobiliser pour promouvoir des rôles modèles qui susciteront de nouvelles vocations, en particulier chez les jeunes générations.
Depuis toujours, les Caisses d’Eparegne accompagnent le développement durable, solidaire et inclusif des territoires.
Au-delà de ces ambitions, comment appréhendez-vousles évolutions de la société ?
Florence Raineix : Ces dernières années, les Caisses d’Epargne se sont fortement engagées aux côtés des acteurs de l’innovation sociale. Elles ont ainsi participé en 2019 à la création du carrefour de l’innovation sociale, première plateforme numérique coopérative regroupant les initiatives locales en faveur de la transition écologique, du développement économique local, de la solidarité ou encore du renforcement de notre démocratie…
Les Caisses d’Epargne sont également investies dans la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est pourquoi elles soutiennent de longue date l’entrepreneuriat féminin au travers de nombreuses initiatives comme la signature avec l’État d’un accord visant à porter au moins à 40 % le taux de femmes créatrices d’entreprise en France.
Ces deux exemples sont emblématiques de la prise en compte des questions sociétales et environnementales dans les orientations de développement et d’action des Caisses d’Epargne. Depuis toujours, elles accompagnent le développement durable, solidaire et inclusif des territoires.
Face à la crise actuelle, quelles sont les actions que vous avez mises en place, notamment pour le secteur de l’ESS ?
Florence Raineix : Depuis le début de la crise sanitaire, les Caisses d’Epargne sont entièrement mobilisées pour assurer à leurs clients l’accès aux services bancaires nécessaires à leur quotidien et pour soutenir l’économie. Elles ont aussi contribué à l’élan de solidarité nationale avec plus de 1,5 million d’euros de dons aux associations et établissements de santé au niveau régional. Parallèlement, elles ont également mis en place un microcrédit d’urgence COVID-19 pour permettre aux personnes fragilisées par la crise sanitaire de faire face à leurs échéances. Enfin, les Caisses d’Epargne sont parties prenantes de l’accord signé fin juillet avec le Fonds européen d’investissement (FEI) visant à faciliter l’accès au financement des PME, ETI et start-up de moins de 3 000 salariés qui investissent dans des projets à caractère innovant, d’adaptation ou de transformation liés à la crise sanitaire actuelle. L’enveloppe de prêts s’élève à 75 millions d’euros. Toutes ces initiatives relèvent d’une même priorité : continuer à soutenir les sociétaires et clients et accompagner la relance économique. La situation sanitaire étant encore très mouvante, nous sommes très à l’écoute et en proximité avec les territoires pour nous adapter en temps réel à leurs besoins.
Nos efforts sont concentrés sur la reprise.
Fabrice Gourgeonnet : Nous avons mis en place très rapidement des mesures d’accompagnement exceptionnelles avec un report automatique des échéances de crédit ou une distribution massive du PGE. Nous avons également accompagné avec des solutions sur-mesure tous nos clients. Pour nos clients acteurs de l’ESS, cela concerne l’octroi de plus de 278 millions d’euros au titre des PGE et bien sûr la mise à disposition d’outils digitaux pour faciliter la gestion et les paiements à distance de façon sécurisée. Par ailleurs, en tant que premier financeur privé du secteur hospitalier public, nous avons lancé un plan d’accompagnement des hôpitaux publics assorti d’une enveloppe de financement d’un milliard d’euros pour les aider à faire face aux enjeux liés à la crise sanitaire.
Aujourd’hui, et même si la situation est encore fragile, nos efforts sont concentrés sur la reprise. Nous souhaitons notamment accompagner les structures de l’ESS en tant que partenaire premium des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Pour cela, nous avons mis en place un dispositif spécifique, “Entreprendre 2024”, pour les aider à saisir les opportunités économiques du projet en les accompagnant pour répondre aux appels d’offres des centaines de marchés liés à l’organisation de cet évènement.
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