Dans votre livre, vous exprimez vos regrets sur l’archaïsme du PS, resté à la traine de l’extrême gauche. Pouvez-vous expliciter ce constat ?
La culture d’une partie des Socialistes est restée marxisante faute d’avoir défini un nouveau référent idéologique qui soit adapté au monde d’aujourd’hui. Quand j’ai adhéré au PS dans les années 70, il y avait un véritable bouillonnement intellectuel. Ensuite, avec l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir, la pensée s’est adaptée au réel. Depuis, il n’y a pas eu de changement. Michel Rocard a tenté de faire évoluer le parti, avec des idées favorables à l’économie de marché et à la décentralisation, mais il a échoué. In fine, ceux qui auraient pu construire avant d’arriver au pouvoir une pensée de gauche en cohérence avec le monde d’aujourd’hui ne l’ont pas fait. Pas par manque d’intelligence, mais d’audace. En effet, il y avait le sentiment que cette conversion, pourtant nécessaire, ne s’inscrivait pas dans l’héritage de Mitterrand et qu’elle ne serait pas comprise par les militants socialistes.
“Le problème de François Hollande, c’est le passage à l’acte.”
Aujourd’hui Manuel Valls tente d’impulser une nouvelle dynamique, plus adaptée au monde d’aujourd’hui. Il a des idées sociales libérales, un tempérament fort, du caractère :
j’espère que ces atouts l’aideront à trancher pour faire bouger les lignes. Il est urgent et nécessaire de dynamiser le monde de l’entreprise, parce que c’est grâce à l’économie que nous parviendrons à préserver et faire évoluer notre système français.
Depuis une dizaine d’années, vous êtes partisan de la rénovation du PS, à l’instar des autres partis socialistes européens. François Hollande mène un nouveau cap, avec des réformes sociales libérales. Cela va-t-il dans le sens que vous souhaitiez ?
Le problème de François Hollande, c’est le passage à l’acte. Le Pacte de responsabilité a été annoncé il y a trois mois et rien de concret n’a encore été fait. Certes, il faut beaucoup de courage, parce que la tâche est difficile. Mais elle est nécessaire.
En tant qu’élu local à Mulhouse, j’ai les mains dans le cambouis. Je sais que nous serons confrontés à des baisses de crédits et d’impôts, que les gens ne supportent plus. Les entrées d’argent vont donc diminuer, ce qui sera très difficile à gérer. Il faut que tout le monde prenne des mesures bien dosées : faire des économies pour que la dette baisse, des efforts pour que les entreprises soient plus compétitives, des sacrifices pour qu’il y ait moins de charges. Et, dans le même temps, ne pas arrêter tous les investissements structurants. L’équilibre est difficile. Mais il y a un chemin : les Allemands y sont arrivés, c’est donc possible.
Dans votre livre vous dites que “le public du PS est un fatras composite de minorités agissantes qui croit, à tort, être la société”. Sous-entendu : le PS ne parle plus à toute une partie de la France populaire, qui était pourtant au cœur de son électorat. Comment expliquer ce décrochage ?
Selon moi, ce décalage s’exprime par deux raisons qui sont liées :
1. le PS n’est plus au cœur des questions de la société, parce qu’il n’apparaît plus comme étant une réponse adaptée et crédible aux problèmes de la population. Entre le discours des socialistes et la réalité, les gens ne voient pas le lien ;
2. les militants qui représentaient la diversité de la société sont devenus un syndicat d’élus, dont je faisais d’ailleurs partie. C’est ça le PS : des élus et des futurs élus. Les questions tournent davantage autour de la stratégie à employer pour se faire élire que du moyen de convaincre que le Parti a une réponse à apporter aux problèmes.
Pour ces raisons, le Parti socialiste a du mal à connecter avec la réalité. Il y a donc une crise de confiance, qui touche d’ailleurs la classe politique dans son intégralité.
Ce décalage est d’autant plus dur à assumer que la gauche porte historiquement un idéal de transformation, contrairement à la droite. Elle est prisonnière de son idéologie et se crispe sur les questions de société. La manière dont sont, depuis 20 ans, traitées les questions de sécurité est aberrante. Il y a un frein, une espèce de culture bobo impopulaire, qui l’éloigne du peuple alors que le parti y était autrefois très ancré. Résultat : ils parlent à des communautés, plutôt que de porter le message républicain – ce qui est d’ailleurs un travers moderne de toutes les formations politiques. Mais le PS aurait dû y échapper. Il ne l’a pas fait par facilité, suivisme, refus d’affronter les débats difficiles.
Par exemple, le socialiste traditionnel n’aime pas parler du suivi de l’immigration, parce qu’il a l’impression qu’il flirte avec le Front national. Or, c’est justement le fait d’avoir été laxiste sur cette question qui a servi la soupe au FN. Autre exemple : au lendemain des municipales de 2001, j’avais dit dans la presse que Lionel Jospin devait porter une position claire sur la sécurité. Il m’avait reçu en expliquant qu’il validait mon propos mais qu’il ne pouvait le clamer parce qu’il fallait préserver la gauche plurielle qui serait vent debout contre. La fin de l’historie est connue : il a perdu les élections et le FN est arrivé au 2nd tour de la présidentielle.
Que révèle, selon vous, le fait qu’entre les deux tours des municipales, il n’y ait pas eu de sursaut du peuple de gauche ?
D’abord le sursaut entre les deux tours est très rare. Sauf en 1983, mais c’était très limité.
Selon moi, les Français ont voulu faire passer un message de ras-le-bol au premier tour et ont envoyé un recommandé pour le second. Même si je supputais un basculement
massif, je reste impressionné par l’ampleur du choc. Le signal a été entendu, puisque François Hollande a remanié dès le lende- main et changé de Premier ministre.
Vous rendez hommage à votre mandat : “La mairie de Mulhouse aura été un pôle conducteur, un fil de stabilité”. Pourquoi ?
Au début, je n’avais pas programmé d’être élu local. J’aimais la grande politique. Alors j’ai été élu député. Puis, je me suis attaché au territoire, aux gens, aux projets que je portais.
Ce mandat local est très enrichissant, puisqu’il permet d’avoir le sentiment d’aider au quotidien nos concitoyens. Être maire permet d’entretenir une relation privilégiée avec les gens. Vous êtes sur leur vie, leur quotidien, leur adhésion ou non à votre pro- jet, à votre vision. Pour un homme ou une femme d’action, c’est ce qu’il y a de mieux.
La deuxième raison est un peu plus per- sonnelle : à chaque fois que j’ai subi un aléas, c’est la ville qui m’a accueilli. Elle a été un refuge où j’ai pu travailler, préparer le com- bat suivant. Il y a eu en quelque sorte une fidélité n
Propos recueillis par Colombe Dabas