Pourriez-vous nous présenter le musée Courbet d’Ornans ?
Gustave Courbet appartient au patrimoine mondial. Il est de ce fait l’une des figures emblématiques du département du Doubs. Son œuvre reflète son attachement fort aux paysages de la vallée d’Ornans et sa fidélité envers ses amis de jeunesse et sa famille. Il est aujourd’hui connu et reconnu à travers le monde et la plupart de ses œuvres liées à sa vallée d’enfance, paysages ou scènes de la vie quotidienne, sont exposées dans les plus grands musées internationaux et témoignent de la beauté des sites de notre territoire.
Face à l’héritage considérable que Courbet nous a laissé, le Conseil général, devenu propriétaire du musée en 1976, avait la responsabilité de lui réserver une place particulière dans la vie présente de notre département.
À mon arrivée aux responsabilités de président en 2004, je me suis personnellement attaché à ce dossier et le projet est né de construire un nouveau musée tout en conservant son caractère d’émotion et d’authenticité.
Rouvert au public il y a tout juste un an, le musée d’Ornans par ses dimensions et son caractère architectural, constitue un hommage digne de l’œuvre qu’il accueille. Il est l’étape centrale d’un itinéraire qui passe par la source de la Loue, la ferme familiale de Flagey et les sites chers à l’artiste.
Le musée répond à présent aux exigences d’un musée portant le label “musées de France”, par sa modernité et les moyens déployés pour mettre en valeur les œuvres présentées. Il a récemment reçu le label “Maison des Illustres”.
Il s’agit du seul musée en France et dans le monde dédié entièrement à l’artiste. Vous l’avez compris, nous n’avons qu’une ambition : faire rayonner Courbet depuis son pays, le plus loin possible. Avec ce nouveau musée, les conditions sont désormais réunies.
Vous l’avez dit, après trois ans de fermeture, le musée Courbet a rouvert ses portes le 2 juillet 2011. Quelles modifications et rénovations ont été opérées ? Quelle est la particularité de son architecture ?
Le musée Courbet a quitté les limites étroites d’une maison, la maison historique Hébert, pour s’étendre à deux maisons contigües, la maison Borel et l’hôtel Cham-pereux. Courbet peut aujourd’hui prendre toute sa dimension de peintre majeur du XIXe siècle dans un musée passé de 500 à 2 000 m2 (dont 1 100 m2 d’exposition), dans un espace qui conjugue convivialité et modernité.
L’ancien musée n’était plus adapté aux exigences de fonctionnalité et de sécurité. Aujourd’hui, un équipement tout nouveau permet à l’enfant du pays de revenir chez lui. Ce nouvel espace, nous l’avons voulu digne du “maître des lieux”. C’est pourquoi, nous avons dessiné un projet qui puisse s’intégrer avec émotion, respect et harmonie dans cette cité de charme. Mais il fallait aussi qu’il porte l’audace du peintre. Rappelez-vous : loin de tous les conformismes, il fallait “encanailler l’art”, disait Courbet. L’alliance de ces deux dimensions est au rendez-vous.
La signature architecturale, nous la devons à Christine Edeikins. Histoire et modernité se rejoignent dans ce nouveau musée. L’hôtel Hébert, maison de la famille Courbet pendant plusieurs années, restitue, intacte, l’intimité confortable du lieu. Il a gardé toute son authenticité et l’atmosphère d’antan. Quant au jardin, adossé au musée, il retrouve le charme des petits jardins des demeures de bord de Loue.
Le musée s’ouvre désormais en transparence sur les paysages environnants et offre des vues inédites sur la Loue et la ville d’Ornans grâce à une galerie vitrée, une vigie, un sol vitré au rez-de-chaussée qui invite à marcher sur la Loue…
Les volumes des maisons Champereux et Borel ont été adaptés aux exigences d’un musée moderne à vocation internationale. Des moyens audiovisuels ont été intégrés au parcours pour une mise en valeur optimale des œuvres et un regard en continu sur les paysages de Courbet.
Pourriez-vous nous exposer les différentes collections qu’il abrite ? Quelles expositions temporaires accueillera t’il ?
J’ai souhaité que ce musée apporte au visiteur toute la connaissance dont il a besoin pour connaître Courbet et comprendre son œuvre, à travers le parcours à la fois chronologique et thématique de l’exposition permanente.
Ce parcours composé de 75 œuvres dont 41 de Courbet retrace la jeunesse et la formation de l’artiste, la période de rupture, autour de 1849 puis la période de maturité où il s’affirme comme chef de file de la modernité, du réalisme à l’impressionnisme.
Il est illustré d’œuvres majeures, comme Le Pirate prisonnier du dey d’Alger (1844), La Plage à Trouville (1865) ou L’Autoportrait à Sainte-Pélagie (vers 1872).
J’ai souhaité également que les œuvres de Courbet, dispersées à travers le monde et qui témoignent de sa renommée internationale, puissent un jour, grâce aux expositions temporaires, intégrer ou réintégrer, le temps d’une saison, les lieux qui ont façonné ce peintre prestigieux. C’est pourquoi, un espace de 300 m2 est réservé à des expositions temporaires biannuelles.
Après l’évènement inaugural qui a réuni pour la première fois des œuvres de Courbet et de son ami bisontin Clésinger, sculpteur, les graveurs du maître d’Ornans ont donné toute la mesure et toute la diversité de leurs talents, grâce à une collaboration entre le musée et l’institut Courbet.
À partir du 30 juin, une confrontation entre Les peintres et la photographie au XIXe siècle se déroule tout l’été, à travers une soixantaine d’œuvres de Courbet, Ingres, Friant, Muenier, Degas… Et dès l’automne – thème de saison –, Les Chasses de monsieur Courbet se tiendront jusqu’en février.
D’autres projets se préparent. À l’horizon : Courbet-Cézanne en 2013…
Depuis son ouverture, le musée rencontre un franc succès et se présente comme un outil de rayonnement du territoire. Que représente-t-il pour le Doubs et quel est son impact économique et touristique ?
Depuis le 2 juillet 2011, plus de 75 000 visiteurs sont venus découvrir les 1000 m2 d’expositions permanente et temporaire. Avant sa rénovation, le musée accueillait en moyenne 20 000 visiteurs par an.
L’objectif annuel du Conseil général du Doubs après travaux était d’atteindre 40 à 45 000 visiteurs, ce qui correspond au nombre annuel moyen de visiteurs dans les musées de même envergure consacrés à un artiste de renommée internationale.
Ce chiffre visiteurs montre l’intérêt que suscite Gustave Courbet. L’impact touristique, économique et culturel de ce projet est aujourd’hui bien réel, 50 % des visiteurs provenant d’autres départements français ou de pays étrangers.
Nous espérons atteindre le chiffre de 80 000 pour le premier anniversaire de la réouverture du musée en juillet prochain.
Petit par ses dimensions, mais déjà grand par ses ambitions, le musée Courbet est aussi une entreprise culturelle appréciée puisqu’il a créé une vingtaine d’emplois directs et génère un chiffre d’affaires appréciable dans la vallée de la Loue.
Comment le Conseil général s’implique t’il auprès de ce haut lieu des arts et de la culture ?
Depuis son ouverture en juillet 2011, le succès du musée Courbet a dépassé toutes nos espérances. Mais nous savons que, pour pérenniser cet engouement, nous devons nous appuyer sur trois atouts : un parcours de qualité, aisément accessible à tous, des expositions attractives et inédites, et un fonds permanent riche d’œuvres emblématiques. En tant que propriétaire du musée, le Conseil général s’attache au quotidien à en développer sa richesse et son attractivité, à l’exemple de notre volonté d’acquérir le tableau emblématique de Courbet, Le Chêne de Flagey.
En quoi consiste le projet “pays de Courbet, pays d’artiste” ? Comment comptez-vous valoriser les grands sites du département visités par Courbet ?
Si l’œuvre de Courbet appartient au patrimoine mondial, elle ne peut se comprendre sans référence à son pays d’origine. Courbet disait “Pour peindre un pays, il faut le connaître… Allez-y voir, vous reconnaîtrez tous mes tableaux”.
Ces mots soulignent le lien étroit qui existait entre l’artiste et son “pays“ et donne toute la dimension au projet que nous mettons en place. L’objectif du projet Pays de Courbet, pays d’artiste est donc, à partir du musée, d’identifier et de valoriser les sites du département aimés et peints par l’artiste pour permettre au visiteur de découvrir ces lieux.
Ainsi, nous avons réhabilité la ferme de Flagey qui fut la propriété familiale de la famille paternelle de Gustave Courbet jusqu’en 1910. Elle offre aujourd’hui, au cœur du monde rural, un espace culturel de qualité. Des grands peintres contemporains et des musiciens de renom international ont déjà investi ces lieux.
Le dernier atelier de Courbet, situé à l’entrée d’Ornans a également été acquis par le Conseil général du Doubs en vue de le restaurer et de présenter, je l’espère prochainement, les peintures murales uniques peintes par Courbet, représentant la Seine à Bougival et l’Escault se jetant dans la mer, d’autres lieux chers au peintre.
Autour de ces sites, l’ambition du Conseil général est de faire découvrir les paysages qui ont inspiré l’œuvre de Courbet. Il s’agit en premier lieu de la source de la Loue réaménagée récemment par la collectivité pour la rendre plus accessible et en raconter l’histoire.
Puis, afin de permettre au visiteur de parcourir les différents lieux peints par Courbet, nous avons proposé à partir de juillet 2011, d’explorer les paysages empruntés par l’artiste, grâce à des parcours de randonnées reliant différents sites qu’il a observés, puis peints, appelées “sentiers de Courbet”. Aujourd’hui quatre sentiers ont été réalisés, deux sont en cours de réalisation, l’objectif étant d’en créer une dizaine.
Ce projet Pays de Courbet, pays d’artiste a obtenu le label etnopôle du ministère de la culture en 2010. Il constitue à la fois une politique d’action culturelle et de recherche sur les rapports entre arts et territoires, plus précisément sur le rapport du peintre avec la Franche-Comté.
Le Conseil général a entamé des démarches afin d’acquérir “Le Chêne de Flagey”, peint en 1864 par Gustave Courbet, dont le prix est évalué à près de quatre millions d’euros. Afin de réunir un tel montant, une souscription publique, dans le département, a été lancée. Pourriez-vous nous en dire davantage ?
Lorsque j’ai appris que Le chêne de Flagey était à vendre, J’ai immédiatement pensé qu’il pouvait avoir toute sa place au musée Courbet, aux côtés de L’Autoportrait à Sainte-Pélagie et du Château de Chillon, entre autres.
Courbet a peint Le Chêne de Flagey en 1864. Ce tableau, appelé aussi Le Chêne de Vercingétorix n’a pas d’équivalent dans l’œuvre du peintre, ce qui renforce son caractère exemplaire et unique.
Le prix du tableau devrait avoisiner les quatre millions d’euros. Le contexte financier qui pèse sur les collectivités ne permet pas au Conseil général de prendre à lui seul en charge cette somme. Nous avons engagé plusieurs démarches impor-tantes qui conditionnent définitivement l’achat du tableau :
– une demande a été adressée au ministère de la Culture pour obtenir l’inscription du tableau comme “œuvre d’intérêt patrimonial majeur” ; cela permettra en effet une défiscalisation très avantageuse pour les mécènes (90 % d’exonération d’impôts dans la limite de 50 % du montant de l’impôt),
– des démarches auprès des entreprises sont renforcées pour développer des actions de mécénat autour du musée,
– une souscription publique a été lancée pour un appel aux dons permettant ainsi à chacun de contribuer à l’attractivité du musée et de devenir un peu propriétaire du tableau.
Le ministère de la Culture a d’ores et déjà annoncé qu’il apportera son soutien financier à notre démarche.