En période électorale, le colosse américain dissimule mal ses pieds d’argile. C’est particulièrement saisissant cette année. L’apparente fragilité physique de Joe Biden et la propension jamais démentie de Donald Trump au grand n’importe quoi participent d’une sorte de dramaturgie décadente digne des temps néroniens. Tout se passe comme si le système démocratique américain n’arrivait plus à se régénérer. Pourquoi en est-il arrivé à ne plus proposer qu’un duel de septuagénaires ? La raison de cette étrangeté découle, nous dit-on, du financement de la vie publique par des donateurs conservateurs – même chez les démocrates – préférant les noms connus aux têtes nouvelles, imaginatives et entreprenantes.
Au temps de la guerre froide, la distinction était très nette entre les pays totalitaires et ceux qui vivaient selon les standards de la démocratie représentative et de l’Etat de droit. Ces derniers constituaient « le monde libre », appellation bien plus explicite que le mot « Occident » dont usent et abusent les tyrans contemporains aujourd’hui pour mieux mettre en garde leurs peuples contre les tentations de la liberté.
Le monde libre, en dépit de ses imperfections, existe toujours, heureusement. Il aurait juste besoin de disposer à Washington de dirigeants sûrs de leur cap politique sur plusieurs années, histoire de montrer que l’effacement des démocraties n’est pas pour demain. Ne nous y trompons pas, en effet. Les menaces qui pèsent sur nous présentent des formes multiples. Mais si Poutine croit possible de reconstituer l’empire soviétique, si les ayatollahs condamnent à mort le moindre opposant, si le Hamas promet aux Palestiniens l’anéantissement d’Israël et si la Chine roule chaque jour un peu plus des mécaniques, c’est en grande partie parce que l’Amérique, hier triomphante et aujourd’hui vieillissante, paraît fatiguée de jouer les gendarmes du monde tandis que l’Europe ne sait toujours pas s’organiser en tant que puissance.
Le pire, cependant, n’est jamais sûr. La mélasse actuelle ne sera pas éternelle. Il faut méditer les leçons de l’Histoire. La tentation de l’isolationnisme, récurrente aux USA, connaît des éclipses dès que s’impose la nécessité de nouvelles alliances. Sur notre continent, l’obligation de mieux s’armer pour se défendre s’impose peu à peu. Elle est susceptible aussi de susciter un regain de volonté collective. Quant aux dictatures, elles finissent mal en général, même si avant de sombrer elles peuvent générer de considérables dévastations sur des périodes parfois assez longues. C’est pourquoi il faut savoir rester fidèle à nos choix de société et ne montrer aucune faiblesse ni complaisance vis-à-vis de leurs propagandistes plus ou moins camouflés.