La force de ce livre, c’est la sobriété du ton. François Baroin écrit comme il parle. Sans élever la voix. Cet homme politique installe ainsi depuis quelques années un style d’homme tranquille dans un paysage (et un parti) plutôt chahuté. On l’a dit très énervé lorsque le ministère des finances, lors du départ de Christine Lagarde pour le FMI, était sur le point de lui échapper. Mais nul – à part peut-être Nicolas Sarkozy et François Fillion – ne l’a jamais vu perdre son calme. Dans son livre, en tous cas, il n’accorde aux tractations liées au remaniement ministériel que quelques lignes qu’il faut savoir décoder. Il explique notamment ”qu’il connaît trop Nicolas Sarkozy pour qu’accepter une telle offre (diriger Bercy mais avec un autre ministre pour les relations internationales), même bien présentée, serait de ma part un aveu de faiblesse“. Tout est dit en peu de mots. Ce président qu’il a appris à estimer – il en fournit maints témoignages – est avant tout un “patron” avec lequel il faut négocier dur, en ne négligeant jamais les rapports de force. Leurs relations avaient été détestables depuis que le futur chef de l’État lui avait lancé : “Baroin, la route est longue, mais la tienne va bientôt s’arrêter”. Le jeune élu était à l’époque “coupable” d’avoir préféré Jacques Chirac à Édouard Balladur.
L’amitié retrouvée n’empêche pas d’ailleurs François Baroin d’écrire en toutes lettres ce qu’il a pensé de la dernière campagne : “le premier enseignement (en) est que la droite républicaine n’a rien, strictement rien, à gagner à chasser sur les terres de l’extrême-droite. Ceux qui s’y sont essayés n’ont fait que renforcer nos adversaires et brouiller les messages adressés aux Français.”
La dimension psychologique de l’histoire du quinquennat est intéressante mais elle ne constitue pas, loin de là, l’essentiel de cet ouvrage à la fois écrit à chaud et enrichi de réflexions ultérieures.
Il mérite cependant tout à fait son nom de “Journal” car il s’agit d’un récit très circonstancié de temps vraiment agités. Quand François Baroin devient “de nouveau fréquentable” en mars 2010, après “cinq semaines à l’Intérieur et cinq ans à l’éxtérieur ”(la formule est de Nicolas Sarkozy), et se trouve nommé ministre du budget, le tableau de l’économie mondiale est sinistre. La plus grande crise survenue dans le monde depuis 1929 bouleverse toutes les données et les espérances de l’équipe au pouvoir.
Dans ce contexte, il faut tailler dans les dépenses publiques et répondre à une infinité de questions à l’Assemblée nationale. Les arbitrages et les discussions au Parlement prennent des jours et des nuits.
Sans s’attarder sur les chiffres – il indique cependant les plus signifiants – le ministre raconte les rituels des sommets, G7 et G20. Il ne fait pas de confidences excessives, c’est un peu dommage, mais la narration de “choses vues”, en phrases courtes est efficace. On lira avec délectation la scène hallucinante du G20 de Cannes titrée “Morts en direct” : Papandréou et Berlusconi, vieux briscards, sont pratiquement éliminés de la communauté internationale à cause de leurs finasseries autour de l’euro et, de retour dans leurs pays, ne pourront plus tenir longtemps.
On sent que François Baroin a été content, après avoir accumulé les expériences ministérielles, d’avoir servi l’État en ces temps difficiles. Mais on le devine aussi satisfait d’avoir retrouvé sa mairie de Troyes, sans doute plus calme.
En attendant de nouvelles aventures…
Journal de crise
François Baroin
JC Lattès
358 pages
18€