Solidarités International est une association française d’aide humanitaire ; son but réside dans la réponse aux besoins vitaux de populations en crise (conflit armé, catastrophe naturelle, etc.), et dans leur accompagnement vers l’accès à l’eau, l’hygiène et la sécurité alimentaire. Alexandre Giraud, directeur général de l’association, revient sur les valeurs déterminant les missions de ses équipes, ainsi que sur les situations et projets autour desquels elles sont principalement concentrées aujourd’hui.
Entre accès à l’eau, soutien aux structures médicales, sécurité alimentaire, etc. comment priorisez-vous les besoins des réfugiés ?
Notre action n’est guidée par aucune autre considération que celle des besoins. Solidarités International intervient aujourd’hui dans 15 pays : au Yémen, en RDC, au Bangladesh, en Afghanistan, au Soudan du sud, etc., où nous nous battons au quotidien pour porter secours aux populations frappées par la guerre, les catastrophes naturelles ou les épidémies. Une aide digne et vitale est apportée en mains propres à quelque quatre millions de personnes, quel que soit leur statut : déplacés, réfugiés, populations hôtes. En situation de crise, la santé voire la vie des plus faibles sont menacées par le manque d’eau potable, d’assainissement, d’hygiène, de nourriture et d’abris. Nos équipes répondent donc à ces besoins vitaux au sein des communautés, dans les villes, sites de déplacement, camps de réfugiés, centres de santé, etc., toujours de la façon la plus adaptée et durable.
En janvier 2017, la grande campagne de soutien humanitaire aux réfugiés (lancée un an plus tôt) a été reconduite, qu’en est-il aujourd’hui ?
Pendant deux ans, nous avons souhaité communiquer sur la seule chose immuable pour tout être humain, même touché par un drame : la dignité. Cette notion recouvre aussi le maintien d’une hygiène minimale comme vitale en situation d’urgence. La protection des maladies par des articles essentiels, tel que le savon, est trop souvent oubliée. Or, celles liées à l’eau ou à un environnement insalubre atteignent mortellement 2,6 millions de personnes chaque année. Parmi elles, le choléra, la maladie des mains sales, tue en quelques heures, alors qu’elle reste tout à fait évitable grâce à de simples mesures d’hygiène de base.
Cette année, un retour aux fondamentaux est souhaité ; notre mandat, nos principes, nos valeurs, peuvent être résumés par la devise à laquelle nous sommes fidèles depuis près de 40 ans, « La première réponse à la souffrance humaine doit être la solidarité ». Depuis deux ans et sa campagne « kit dignité pour les réfugiés », Solidarités International a vu les commentaires polémiques, violents et haineux se multiplier sur ses réseaux sociaux. Certains messages ou publications sont l’occasion de débattre, de préciser les zones d’intervention, de témoigner des réalités et des injustices constatées sur le terrain, mais la plupart, s’ils montrent un manque d’espace d’expression, nous laissent sans voix. Alors que nos équipes se battent chaque jour pour accéder et porter secours aux plus fragiles, il nous est trop difficile de rester muets face à ces attaques gratuites, qui les insultent, les essentialisent, les déshumanisent, leur retirent une part de dignité.
Ainsi, nous avons choisi d’y répondre de la même manière que sur le terrain, auprès des gouvernements, des groupes armés, des communautés, et de toutes les forces en présence. Cette démarche passe par une explication des raisons de nos missions, des principes qui font vivre l’impératif humanitaire et qui animent l’association : humanité, indépendance, impartialité et neutralité.
Pouvez-vous décrire le « kit de dignité » ?
Le kit présenté lors de la campagne correspond au prototype de celui distribué aux sinistrés d’un désastre naturel ou d’une guerre. Il contient savon, brosses à dents, dentifrice, rasoir pour les hommes, serviettes hygiéniques pour les femmes. Il peut être complété par un jerrican pour l’eau, des pastilles de chlore afin de la potabiliser, une bâche en vue d’un abri, etc. Son contenu s’adapte aux besoins.
Quels bénéfices tirez-vous de la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié ?
Cette journée représente d’abord l’occasion de communiquer sur le nombre de personnes déplacées et réfugiées dans le monde, en constante augmentation chaque année. Ils sont aujourd’hui près de 70 millions. Derrière ces chiffres, des réalités humaines très difficiles sont présentes, comme des témoignages que nous nous devons de relayer.
En Syrie, les habitants sont des « réfugiés dans leur propre pays ». Comment vos actions ont-elles évolué dans ce pays depuis 2013 ?
Comme dans tous les pays en guerre où Solidarités International intervient, l’accès symbolise notre première préoccupation : l’accès de nos équipes aux personnes qui souffrent et l’accès de ces dernières à l’aide humanitaire. En Syrie, comme au Yémen, en RDC, ou au Soudan du Sud, le travail quotidien s’appelle la négociation d’accès. Pour parler de la Syrie, nos équipes expatriées ont dû quitter le territoire car leur sécurité était clairement menacée, et leur présence mettait en péril celle des gens nécessitant une aide. Nous avons alors travaillé en « remote », c’est-à-dire à partir de pays limitrophes. Depuis un an maintenant, nos expatriés ont regagné l’accès aux principales zones où se situent les besoins urgents.
Quelles sont les opérations menées pour tenter de prévenir la saison des pluies qui s’annonce catastrophique au Bangladesh, notamment pour les Rohingyas, population déjà très vulnérable ?
Solidarités International officie dans cette partie du monde depuis plus d’une décennie, notamment sur la problématique des Rohingyas, et plus largement des victimes de tensions ethniques. Après un nouveau déplacement massif de population du Myanmar vers le Bangladesh (près de 700 000 personnes), la communauté humanitaire est mobilisée pour répondre aux besoins vitaux de ces familles qui ont tout perdu, et qui se sont échouées dans des camps insalubres. La saison des pluies représente une menace pour leur santé voire leur vie : glissements de terrain, épidémies, etc. Ainsi, nous adaptons et protégeons notamment les puits et les toilettes.
Votre association est connue pour prioriser l’action, en affectant directement la quasi-totalité des ressources aux missions, mais comment faites-vous pour communiquer sur celles-ci, afin d’obtenir de la visibilité, et donc plus de financements ?
Chez Solidarités International, plus de 90 % des ressources sont affectées directement sur le terrain. Un chiffre qui correspond à notre vision de l’action humanitaire. La proximité, l’agilité, l’engagement et la qualité sont des valeurs communes aux générations d’humanitaires qui travaillent au sein de notre association depuis sa création en 1980. Elles permettent d’obtenir la confiance des grands partenaires institutionnels (Union européenne, Nations Unies, MAEE français), comme le soutien de plusieurs dizaines de milliers de donateurs particuliers. L’impératif humanitaire auquel nous répondons et les principes qui le font vivre sont sans cesse réaffirmés, adaptés, questionnés par nos équipes ; j’en profite pour leur rendre hommage. Chaque jour, dans notre communication, qu’elle s’adresse au grand public ou au monde humanitaire, c’est cette authenticité que nous donnons à voir comme à entendre, en décryptant ainsi qu’en rapportant le témoignage de celles et ceux qui ont besoin d’aide.
Crédit image à la une : Thomas Gruel / Solidarités International (intervention au Yémen).