La troisième saison de la série produite par Canal plus Le bureau des légendes est sortie au mois de mai. Choisissant le réalisme et des intrigues actuelles, la série d’Éric Rochant tend à s’imposer comme la première grande oeuvre audiovisuelle française sur les services de renseignements. Et la critique applaudit.
Une geôle de l’organisation État Islamique, en Syrie, comme on se l’imagine. Un pâté de maisons au milieu du désert, avec des gros pick-up ensablés et quelques combattants désœuvrés, Kalashnikov en bandoulière. À l’intérieur croupit un otage occidental, qui subit séances de tortures et privations de nourritures. Une scène devenue courante depuis quelques années. Sauf que cet otage s’appelle Guillaume Debailly, qu’il est agent de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE) et qu’il est le héros de la série à succès Le bureau des légendes. La saison 3 de cette série réalisée par Éric Rochant a démarré le 22 mai, et s’annonce plus haletante que jamais. Il faut dire que le scénario pourrait se confondre avec la réalité. Depuis 2015 et la première saison, les agents du bureau des légendes, le service des clandestins de la DGSE (renseignements extérieurs) font face aux problèmes géopolitiques du monde actuel : accord sur le nucléaire avec l’Iran, négociations secrètes sur le sort de la Syrie, lutte contre les djihadistes de l’organisation État Islamique. Au fil des saisons, Le bureau des légendes nous en apprend davantage sur la « piscine », ou encore la « boîte », surnoms du siège parisien de la DGSE.
Pour coller au plus près à la réalité du métier des agents de la DGSE, les scénaristes ne cachent pas qu’ils en ont rencontré. Le ministère de la défense, pardon, des armées, profite même de l’occasion pour mettre en lumière son service de barbouzes : présentation en avant première boulevard Mortier et conférence de presse à Balard… L’équipe de la série a même pu visiter les locaux du siège, avec interdiction de prendre des photos. Cette bénédiction donnée par les autorités permet de renforcer le caractère ultra réaliste de la série. Les scénaristes avouent se droguer à l’actualité internationale et échanger avec des spécialistes sur les évolutions possibles des dossiers. « Cela nous a conduits, par exemple, à situer une partie de l’action [de l’intrigue se déroulant en Syrie] à Jarabulus, ville syrienne à la frontière turque parce qu’on a compris qu’elle était un enjeu de cette guerre. », témoigne Camille de Castelneau, coscénariste, dans La nouvelle République. Et en effet, les évènements semblent donner raison au scénario. De même, dès la saison 1, les accords sur le nucléaire iranien étaient traités presque en temps réel avec l’actualité. Et l’expansion de Daech en Irak et Syrie, qui ne date que de 2014 avec la proclamation du califat, prend aussi une grande place.
Dans cette série réaliste, tout n’est pas vrai. Mais la majorité des décors, des manières de travailler et de se comporter des agents, se confond avec la réalité. Et les expressions, comme « le droit d’en connaître », qui illustre le cloisonnement au sein même du service. Les techniques pour échapper à une filature, les exercices de formation avant un départ, les moyens techniques mis en oeuvre, quasiment tout est vrai.
Le bureau des légendes constitue ainsi la première oeuvre de promotion grandeur nature et réaliste des services secrets français. C’est peut-être cela qu’on attendait depuis des années maintenant, après le succès de séries américaines similaires qui avaient emprunté le tournant du réalisme. La création d’Eric Rochant donne à voir le quotidien, parfois loin des fantasmes véhiculés par les James Bond et autres, des agents du renseignement extérieur français. Avec toute la psychologie qu’il faut, la série nous permet de découvrir la réalité du travail de ces hommes et ces femmes de l’ombre. Mathieu Kassovitz, superbe héros qui oscille entre fidélité à la boîte et affaires personnelles, résume lors de la conférence de presse de présentation: « Quand il n’y a pas d’attentat, des gens travaillent pour qu’il n’y en ait pas. Pas d’attentat aujourd’hui, ce n’est pas une info mais c’est une info »
Du côté de la critique, la saison 3 apparaît comme la plus réussie. Elle vient en tout cas de dominer la remise des prix de l’Association des critiques de Séries (ACS). La saga d’Éric Rochant remporte les prix de meilleure série et meilleur scénario. La coscénariste Camille de Castelneau réagit à ces prix dans Télérama : « Nous sommes heureux et étonnés que ce scénario ne sente pas la sueur car on a beaucoup saigné pour le créer […] entre la fatigue qui a suivi l’élaboration des deux premières saisons, et notre rédaction en plein attentats de novembre 2015. » La saison 4 est déjà en cours d’écriture.
Image à la Une : © Canal + / F. Stucin.