Soixante mille brevets sont délivrés chaque année en Europe contre 224 000 aux États-Unis et 172 000 en Chine. Alors que nos “vieux pays” disposent d’énormes structures de recherche fondamentale, ils se font régulièrement “avoir” par des nations plus habiles dans le passage de la “science à l’industrie”.
Notamment parce qu’outre-Atlantique ou au “pays du soleil levant”, le coût des brevets permettant de protéger les inventions est moindre et les procédures plus simples. Mais la mise en place du “brevet européen” en 2013 et son entrée en vigueur prévue en 2014 changent la donne.
Chef d’orchestre de cette réforme impliquant le Parlement européen et les assemblées démocratiques de 25 pays de l’Union, le commissaire Michel Barnier s’est félicité de cette avancée très importante pour la compétitivité de nos entreprises. L’économie sur les coûts du dépôt d’un brevet pourrait atteindre 80 %, renforçant ainsi la position concurrentielle des entreprises de l’UE à l’international.
Jusqu’à présent, le brevet européen (ancienne formule) octroyé n’était valable qu’au niveau national. Pour protéger son innovation sur l’ensemble du continent, l’entreprise devait financer la traduction du brevet dans la langue officielle de chaque nation concernée, ainsi que les frais de validation nationaux et les frais de renouvellement annuels. D’où un coup final très élevé : maintenir un brevet européen pendant dix ans dans seulement six pays de l’UE était en effet quatre fois plus onéreux que la même opération aux États-
Unis, au Japon et dans de nombreuses autres économies avancées. De plus, les brevets pour des inventions ayant une valeur élevée sur le marché font souvent l’objet de litiges. Or en l’absence de système unique de règlement des différends, les procès se tenant en parallèle dans divers pays pouvaient parfois aboutir à des jugements contradictoires. À l’heure actuelle, entre 146 et 311 cas de litiges liés aux brevets sont dupliqués chaque année dans les États membres de l’UE. La procédure de validation entraînait des coûts élevés, en particulier pour les services de traduction, et rendait la protection du brevet en Europe treize fois plus onéreuse qu’aux États-Unis. Pour remédier à ce problème, une procédure centralisée a été définie pour l’octroi des brevets européens. Elle sera utilisée pour traiter une demande de brevet unique en anglais, en français ou en allemand – les trois langues officielles de l’Office européen des brevets (OEB), un organe non communautaire. Dorénavant, tout inventeur pourra demander à l’OEB un brevet unitaire européen lui assurant une protection dans les 25 États membres concernés.
Pendant une période initiale de transition, une demande formulée ou traduite en anglais devra être traduite en français ou en allemand. Une demande formulée ou traduite en français ou en allemand devra être traduite en anglais. Les coûts de traduction seront entièrement remboursés pour les petites et moyennes entreprises dont le siège est en Europe, pour les personnes physiques, les organisations non lucratives, les universités et les organisations de recherche publiques.
On aurait tort de croire qu’il ne s’agit que d’une question technique n’intéressant que les grandes entreprises. Le brevet constitue une protection essentielle pour toutes les innovations technologiques. Celles-ci apportent le seul véritable levier permettant de créer les emplois de demain. Le brevet protège les entreprises des éventuels contrefacteurs et leur donne la possibilité d’amortir les frais de recherche et développement par une rente temporaire (vingt années) avant de tomber dans le domaine public. En temps de crise, le brevet représente une arme vitale pour accompagner la stratégie des entreprises et renforcer leur compétitivité.