« Le nucléaire c’est la Paix » assurait François Mitterrand. Depuis de Gaulle, la dissuasion n’a jamais été dénaturée par les Présidents successifs. Cette stratégie est mise en œuvre à partir des sous-marins de la Force océanique stratégique (FOST), des avions des Forces aériennes stratégiques (FAS) et de la force aéronavale nucléaire (FANU) opérée depuis le porte-avions Charles De Gaulle. Pour Jeanny Lorgeoux, cet élément central de notre politique globale en matière de sécurité et de défense doit absolument rester sous l’empire de notre souveraineté nationale. La France doit revendiquer sa totale indépendance dans ce périmètre même si des initiatives européennes sont les bienvenues, précise le sénateur Pintat.
Notre dissuasion repose sur trois principes fondamentaux : un principe d’adaptation à l’état de la menace (stricte suffisance), un principe d’opérabilité des moyens en toutes circonstances (permanence) et un principe d’autonomie stratégique (indépendance). Ces trois principes intangibles rendent la France exemplaire.
Pour rester crédible, le rapport pointe du doigt la nécessaire modernisation de nos outils. Selon celui-ci, elle imposera d’ici à 2025 de porter de 3,9 à un niveau d’environ 5,5 à 6 milliards d’euros le montant annuel des crédits. Les co–rapporteurs espèrent que les soutiens politiques, du Président de la République et de l’Assemblée Nationale, seront sans failles.
Éviter l’obsolescence de la dissuasion nucléaire française
Le bon fonctionnement de la dissuasion oblige nos outils à s’adapter continuellement aux menaces, et surtout aux avancées technologiques qui ne vont pas cesser de sitôt. Pour que la France puisse rester dans le cadre de la stricte suffisance, la sécurité et la modernité de notre arsenal nucléaire nécessitent un renforcement efficace et régulier.
Les décisions significatives devront être prises lors de la prochaine Loi de programmation militaire, tout en gardant à l’esprit qu’il faut quinze ans pour construire un sous-marin et dix à douze ans pour un système d’armes. La dissuasion se pense dans le temps long, explique Jeanny Lorgeoux.
Les grands rendez-vous calendaires associés se situent à l’horizon 2033/2035, avec la mise en service à cette échéance du SNLE (sous-marin nucléaire lanceur d’engins) de troisième génération. La technologie est très évolutive dans le domaine de la flotte aéroportée, ainsi le lancement du programme d’ensemble air-sol nucléaire de 4ème génération (ASN4G) semble impératif. Xavier Pintat s’inquiète aussi pour les 135 avions ravitailleurs qui « sont usés jusqu’à la corde et demandent un entretien énorme ». Le rapport préconise d’accélérer le renouvellement de ce parc vétuste. Xavier Pintant et Jeanny Lorgeoux lancent à l’unisson que la dissuasion et la crédibilité sont interdépendantes afin d’user efficacement du chantage nucléaire.
dans un contexte géopolitique incertain
La France présente, aujourd’hui, un bilan exemplaire et unique en matière de désarmement nucléaire. Mais le monde « tourneboulé » impose une absence totale de naïveté, déclare Jeanny Lorgeoux. Dans le même sens, Xavier Pintat souligne que la dissuasion est légitime dans un contexte international qui oblige à ne pas baisser la garde. En effet, la Russie remonte en puissance et dispose d’un fort arsenal nucléaire, à l’instar de la Chine, de l’Inde et du Pakistan. Pour le sénateur Lorgeoux, l’imprévisibilité et la dangerosité des États « du seuil », l’Iran ou la Corée du Nord, démontre chaque jour la pertinence de disposer de cette stratégie, crédible et moderne. Le sénateur Lorgeoux n’exclut pas la possibilité de recourir à ce chantage nucléaire pour la lutte contre le terrorisme.
Le Brexit et l’élection du président américain Donald Trump sont également des composantes à prendre en compte. Donald Trump a déclaré à plusieurs reprises l’obsolescence des alliances et le coût élevé de celles-ci. Ces propos annoncent-ils un moindre investissement des USA au profit de leurs alliés, et par conséquent un affaiblissement du concept américain de dissuasion élargie ? Quant au Brexit, affectera-t-il la capacité de nos voisins Britanniques à mener à bien la modernisation de leurs outils de défense ? Les sénateurs s’interrogent.
Les travaux de la commission apparaissent en résonance avec une attente démocratique. Jeanny Lorgeoux cite en appui les résultats du sondage IFOP / DICOD( avril 2017) qui montrent que 69% des personnes interrogées estiment que pour assurer sa défense, la France a besoin de la force de dissuasion nucléaire et des forces conventionnelles. À la lecture de ce rapport, l’absence de la France à la conférence du 27 mars au siège de l’ONU, à New York, pour évoquer l’objectif ambitieux de mettre les armes nucléaires hors-la-loi internationale s’explique facilement…
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