Des gouvernements entreprenants, on a souvent dit qu’ils mettaient en œuvre « un train de réformes ». Le tandem exécutif formé d’Emmanuel Macron et Edouard Philippe semble engagé sur pareille voie, à ceci près que sa « réforme du train » aura pris au fil des jours une dimension de plus en plus symbolique. S’il a été dit et redit que s’attaquer au fameux « statut » des cheminots constituait à l’évidence le signe de la modernité en marche, on n’a sans doute pas assez souligné que les modifications de contrats de travail entrent en réalité pour peu de choses dans les bouleversements envisagés. Nantis d’une bonne convention collective encore à négocier, les salariés du rail ne devraient pas – à en croire l’exemple allemand – se retrouver aussi nus et crus que certaines de leurs organisations représentatives le claironnent.
En essayant – tout terme plus catégorique serait encore prématuré – de changer un tant soit peu la « culture maison » de la SNCF, le gouvernement s’en prend en réalité à un mode de « gestion à la française » promis à la fosse commune du déshonneur managérial. Ne serait-ce que par l’endettement chronique qu’il génère. Notre belle entreprise nationale, en vieillissant, apparait pour ce qu’elle est. C’est-à-dire le modèle d’une « boite d’ingénieurs » où l’on remet difficilement en cause les acquis techniques tellement elles semblent géniales – souvent à juste raison – et où l’intendance passe après l’art des équilibres organisationnels. Inspirée au début de l’ère industrielle par les nécessités de la défense nationale et l’horizon indépassable de la culture militaire, la SNCF a du gérer aussi, pendant et après les trente glorieuses, les absurdités de l’aménagement du territoire et la croissance terrifiante de l’hydre parisienne.
Pour tout un ensemble de raisons, la trilogie classique du débat public – projet gouvernemental, discussion parlementaire et mouvements sociaux – ne semble plus, sur ce dossier, participer à de simples rituels obligés. Il y a quelque chose de grave dans l’air car nul ne sait très bien sur quoi l’empoignade va déboucher. La fin des privilèges ou la dégradation du service public ? La prise en compte des soucis du client ou la rentabilité à tout prix ?
On parlera moins de vainqueurs et de vaincus et que d’un avant et d’un après. Car l’enjeu, pour le gouvernement d’aujourd’hui et plus encore celui de demain, sera de démontrer que le réformisme n’est pas synonyme de retour en arrière. Une petite musique qui trotte dans beaucoup d’esprits en ce moment.