Le 3 juillet prochain sera désigné le successeur de Pierre Gattaz à la tête du MEDEF. Qui pour succéder à l’actuel « patron des patrons » ? Et comment cette élection marquera-t-elle, quelle qu’en soit l’issue, un tournant important dans la représentation patronale en France ?
Il y a eu l’ère du baron Seillière. Puis est venue celle de Laurence Parisot. Elle aura féminisé et quelque peu adouci l’image de l’organisation patronale. Il faut dire que la première « patronne » du MEDEF aura ouvert la voie à des thèmes jusqu’alors étrangers au monde entrepreneurial comme la parité ou la diversité.
Et il y aura également, l’ère Gattaz. Que retenir de ces cinq ans de mandat du patron de Radiall, une entreprise spécialisée dans les composants aéronautiques ?
Du MEDEF de combat à celui des économistes
Président « de terrain », adepte d’un « MEDEF de combat », il aura été digne de l’héritage de son père, Yvon Gattaz, président de ce qui était alors encore le CNPF dans les années 80. Ses promesses de créer « 1 million d’emplois » en contrepartie des aides de l’Etat seront cependant demeurées sans suite.
Qui pour lui succéder ? Réponse le 3 juillet prochain. Et, comme dans la plupart des cas, il y a les favoris et les challengers.
Si rien ne laisse présager de façon certaine l’issue du scrutin, une chose est sûre : le nouveau mandat sera celui de la rupture.
Rupture méthodologique tout d’abord. Plutôt que le « combat », les successeurs potentiels à Pierre Gattaz sont pour la plupart adeptes d’une approche moins idéologique et plus pragmatique de l’entrepreneuriat. Aux vieilles luttes des classes du 20ème siècle, ils préfèrent la concertation et une approche du monde de l’entreprise en économistes.
Rupture générationnelle ensuite. Les sept candidats sont tous, sans exception, plus jeunes que leur prédécesseur. Gageons que ces « quinquas » et « quadras » sauront apporter un vent nouveau au MEDEF.
La candidature de Jean-Dominique Sénard, Président actuel de Michelin, a d’ailleurs été invalidée par la limite d’âge de 65 ans.
Car si ces candidats s’affrontent désormais, tous sont en revanche d’accord sur un point : le MEDEF est une organisation poussiéreuse. Elle souffre d’un déficit d’image auprès du public. Un récent sondage Opinion Way indiquait que 66% des Français ont une mauvaise image du MEDEF et que 55% la jugent peu représentative des entreprises.
Réinventer le patronat
Car l’organisation patronale qui était naguère le « Centre National du Patronat Français » a beau s’être « relookée » en « mouvement des entreprises » à la fin des années 90, cela ne suffit pas. D’aucuns souhaiteraient mettre en avant leur statut d’ « employeurs », comprenons par là de créateurs d’emplois.
Parmi les pistes de réforme exploitées, élire désormais le Président directement par les entreprises et non plus par chacune des branches professionnelles.
Exploiter, également, les réseaux sociaux.
La place d’une organisation centralisée comme le MEDEF, également, a évolué dans le dialogue social. Elle est devenue plus relative dans la mesure où il se réalise branche par branche, voire au niveau de chaque entreprise. Le rôle et le fonctionnement du syndicat patronal doivent donc être repensés. Il s’agit enfin de mettre fin au paritarisme.
Ce sera la tâche incontournable du successeur de Pierre Gattaz.
Parmi les nombreux défis de l’entrepreneuriat français pour les 5 ans qui viennent: la stratégie à adopter face à la concurrence industrielle des pays à bas coûts salariaux. Egalement l’indépendance des entreprises françaises face aux grands groupes industriels mondiaux.
Le prochain Président du MEDEF part cependant avec un avantage sur son prédécesseur. Il aura pour interlocuteur un exécutif a priori favorable aux entrepreneurs là où son prédécesseur devait composer avec un Président « ennemi de la finance ».
Qui sont les candidats ?
A l’issue du Conseil exécutif du Medef du 11 juin dernier, Geoffroy Roux de Bézieux et Alexandre Saubot ont sorti leur épingle du jeu. Ils ont obtenu respectivement 22 et 16 voix sur les 45 votants exprimés à bulletin secret.
Patrick Martin, Olivier Klotz, Frédéric Motte, Jean-Charles Simon et enfin Dominique Carla’ch – la seule femme en lice : tous se sont ralliés à l’un ou l’autre des deux candidats.
Zoom sur les deux prétendants à la présidence de l’organisation patronale.
Alexandre Saubot: chantre du dialogue social
Tout droit sorti de la toute puissance Union des Industries et Métiers de la Métallurgie (UIMM), ce Polytechnicien (X 1986) de 53 ans veut transformer le MEDEF. Il a débuté comme haut fonctionnaire avant de diriger la société Haulotte. Cette ETI – Entreprise de Taille Intermédiaire – de 1 500 salariés conçoit des nacelles élévatrices. Elle a été bâtie sur les ruines de Creusot Loire. D’abord appelé par son père en 1999, il prend les rênes de la société en 2004. Depuis plusieurs années déjà, Alexandre Saubot ne cachait pas que le poste l’intéressait. Auprès du MEDEF, il avait eu la mission de moderniser le dialogue social. Il a également expérimenté dans sa propre entreprise chômage partiel « à l’allemande ».
Geoffroy Roux de Bézieu: un «MEDEF de propositions»
L’actuel numéro 2 du MEDEF grimpera-t-il la dernière marche ?
L’homme d’affaire est âgé de 55 ans. Son credo ? Le numérique et la nouvelle économie. Diplômé de l’Essec et de Dauphine, il fait ses premières armes en 1986 chez L’Oréal. Il se forge une réputation de manager énergique. En 1996, il fonde « The Phone House », société qu’il revend. Il prend ensuite la direction de Virgin Mobile. Il donnera aussi naissance à PriceMinister avec Pierre Kosciusko Morizet ainsi que ISAI. Plus inattendu « Olivers & Co », vendeur … d’huile d’olive ! C’est un boulimique de la création d’entreprises. C’est également un sportif accompli passionné de rugby mais également de boxe et de triathlon. Son slogan ? « Je veux incarner un MEDEF de propositions ». Une litote pour mieux souligner le manque d’imagination parfois prêté au président sortant.
Crédit de l’image à la Une : Creative Commons.