L’offensive de rentrée de François Hollande s’est située sur le terrain de la politique intérieure. Comme il l’a dit lui-même au fil de ses « Confidences » au journal « Le Monde », le chef de l’Etat redoute que les Français pensent qu’il ne « s’occupe pas d’eux » s’il parle trop de diplomatie. Les changements à venir en Europe et les conséquences de l’élection américaine de novembre sur le Proche-Orient ne seront donc évoqués que plus tard. Qu’il s’agisse de l’avenir de l’euro ou du prix de l’essence, nombre de sujets dits « internationaux » se rappelleront vite à l’ordre du jour de la communication présidentielle car leur traitement conditionne, bel et bien, le destin des Français.
On aura compris cependant que le nouveau président ne veut pas vivre dans « la stratosphère des sommets » et qu’il entend bien mener en personne la guerre contre les déficits.
En réalité, le problème est bien plus complexe qu’une simple affaire d’attitudes et d’apparences. Il tient à l’usage et à la pratique des institutions. La Vè République est aujourd’hui assez ancienne pour que l’on ait observé, au gré des circonstances et en fonction du tempérament des locataires de l’Elysée, des manières de présider qui n’étaient pas identiques. Et ne parlons pas des trois cohabitations, qui ont entraîné à chaque fois un véritable découplage du pouvoir exécutif.
Quelle sera «la pratique Hollande», susceptible de d’imposer une trace, sinon sur l’Histoire, tout au moins sur l’actualité des prochains mois ? Laissera-t-il la bride sur le cou à son Premier ministre et aux membres du gouvernement, quitte à les rappeler à l’ordre des priorités en choisissant bien ses moments ? Voudra-t-il, au contraire, montrer au jour le jour et sur tous les sujets que rien d’important en France ne peut se faire sans lui ? Aussi curieux que cela puisse paraître, l’option choisie ne semble pas encore bien déssinée. Sans doute ce flou est-il dû au refus d’imiter l’agitation sans frein que l’opposant de naguère reprochait tant à Nicolas Sarkozy. De plus, les incertitudes européennes et internationales, indépendantes de notre calendrier électoral, n’ont certes pas encouragé le nouvel arrivant à inaugurer son mandat par des exercices de communication percutante.
La parenthèse estivale a permis en revanche de bien distinguer la nature du piège tendu à François Hollande. A trop vouloir se poser en homme calme et normal, il court le risque d’être le héros trop raisonnable d’une chronique présidentielle morne contrastant avec l’ébullition du village politique. Car, à deux pas de l’Elysée, les différents théâtres de la vie démocratique seront loin d’afficher relâche cet automne. Des polémiques liées au cumul des mandats, ainsi qu’à la nouvelle architecture de l’action publique (Lire nos analyses et l’interview de Marylise Lebranchu) semblent aussi inévitables que nécessaires. Le congrès du Parti Socialiste ne sera sans doute pas trop marqué par l’ivresse du pouvoir reconquis. Il faudra y gérer le toujours difficile passage de «culture d’opposition» à «culture de gouvernement», alors même que la froide logique d’un nouveau traité européen se dessine, interdisant les envolées lyriques. En face, la bataille pour la présidence de l’UMP ne parviendra pas à cacher le grand écart que devront réaliser les futurs dirigeants de cette formation, entre une aile de droite stimulée par la dernière présidentielle et une aile centriste qui a du mal à occuper un espace pourtant momentanément déserté (Lire l’enquête de Chantal Didier).
Il y aura, enfin et surtout, le Parlement dans son irremplaçable rôle de caisse de résonance des soucis des Français, avec un Premier ministre appelé à rester en permanence sur la brêche. Des capacités de proposition, de résistance ou d’esquive de Jean-Marc Ayrault face aux élus dépendra, dans les prochaines semaines, la netteté des véritables premières images du quinquennat.
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