Mais qui a écrit l’histoire des différentes phases – primaires, présidentielle et législatives – ayant constitué l’essentiel de la vie publique ces derniers mois ? A la télévision, les feuilletons insipides laissent de plus en plus la place à des « séries » intelligentes, à gros budget et scénarisées par des équipes de professionnels aguerris. On jurerait que ces maîtres dans l’art du rebondissement ont été requis pour nous fabriquer, jusqu’au bout, de l’inattendu afin de nous tenir en haleine. Le dernier imprévu se sera produit avec le second tour des législatives qui n’aura pas amplifié le net succès des candidats macronistes observé au premier tour. Le seul phénomène accentué fut l’abstention, chargeant du coup l’Assemblée nouvellement élue d’un vague soupçon d’illégitimité politique. Rappelons que « la grève des urnes », aux motifs divers et multiples, participe d’une forme de refus démocratique. Comme toujours en pareil cas, ce sont ceux qui se déplacent qui, en quelque sorte, décident pour ceux qui préfèrent s’abstenir. C’est pourquoi l’abstention, contrairement à ce que beaucoup croient, renforce plus le poids des courants aspirant à devenir majoritaires qu’elle n’exprime de colère ou d’indifférence.
Le fait de n’être élu que par un petit nombre d’électeurs ne serait suspect que s’il était démontré qu’un grand nombre de citoyens se trouvaient dans l’impossibilité de voter. Dès lors que ceux qui avaient la liberté de le faire ne l’ont pas fait, ils ont exprimé un choix politique, revendiqué comme tel par beaucoup. Toute polémique sur la « légitimité » des députés de la « promotion des élus du 18 juin » serait donc assez vaine. Mieux vaut s’interroger sur la manière de travailler des fameux « novices » constituant la nouvelle formation majoritaire dans l’hémicycle. Pour eux, c’est maintenant que tout commence.
Le vertige de la page blanche les guette. Mais qu’ils se rassurent. L’inventivité législative, qui constitue d’ailleurs une prérogative gouvernementale, ne reste jamais longtemps en sommeil dans notre beau pays. Les ministres, aiguillonnés par le Premier d’entre eux et, au-dessus, par « le président jupitérien », ne vont pas tarder à envoyer aux élus quantité de projets de loi susceptibles meubler leurs jours et, même, souvent, une partie de leurs nuits. Pour aller vite, cependant, l’on sait que l’Exécutif issu de la présidentielle souhaite renouer avec la procédure des ordonnances. Laquelle, bordée par des « lois d’habilitation » votées par le Parlement, confère le pouvoir législatif aux cabinets ministériels et aux administrations. Cela pourrait être l’un des paradoxes de l’ère Macron. Les Français, en votant pour les députés se réclamant du locataire de l’Elysée, ont manifesté leur désir de nouveauté. Tous les sondages indiquent que leur moral est bien meilleur depuis l’élection présidentielle. Le « déclinisme » semble en recul. Il serait dommage que ce vent d’optimisme vienne se briser sur le constat d’une vie parlementaire morne et routinière, alors qu’un grand défi se profile : concilier enfin l’efficacité réformiste et la lutte contre l’inflation législative.
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