Une primaire réussie annonce des lendemains qui chantent mais il ne s’agit que d’un premier pas. Les électeurs de la droite et du centre ne seront tout à fait convaincus des avantages de la formule que lorsqu’ils verront François Fillon s’installer à l’Elysée en mai prochain. Pour le moment, ils ne peuvent se féliciter que d’un engouement manifeste et d’une réussite d’organisation. Ce qui est déjà énorme. Il reste à prouver que le système possède la vertu d’enclencher une durable dynamique de succès. En inaugurant la procédure, François Hollande avait donné l’impression que le « tri des ambitions » effectué par ce biais rationnel le préserverait des rivalités et autres frondes de son camp. Toute l’histoire de son quinquennat aura démontré le contraire…
Bien que la pratique ait été de toute évidence inspirée par la tradition américaine, les primaires ouvertes avant une présidentielle constituent encore une nouveauté en France, passible de constantes adaptations à nos coutumes et à nos mœurs. Elles révèleront à l’usage des spécificités susceptibles de faire le bonheur des politologues.
Après les observations dégagées par la première « primaire ouverte », celle des socialistes en 2011, les récents votes des 20 et 27 novembre à droite permettent déjà de se faire une idée un peu plus précise de la mécanique interne de cette forme de consultation. Faut-il, par exemple, établir pour règle que le meilleur moyen de provoquer l’affluence aux urnes consiste à présenter au moins un candidat faisant office de repoussoir ? Beaucoup de commentateurs ont en effet noté que la possibilité d’éliminer Nicolas Sarkozy de la compétition avait constitué une profonde motivation pour les citoyens, dont beaucoup votant d’ordinaire à gauche s’étant déplacés. En poussant le raisonnement jusqu’au sophisme, on pourrait en déduire que la présence de François Hollande, compte-tenu de son impopularité, devient indispensable au succès d’une primaire socialiste. Il y a tellement de gens qui souhaiteraient le voir dans l’impossibilité de se représenter que le record de participation observé à droite pourrait bien être battu…
À supposer que plusieurs millions d’électeurs aillent dire « non » au président sortant en votant pour d’autres candidats, la légitimité des deux finalistes, quels qu’ils soient, serait considérable, et ne parlons pas de celle du vainqueur final. Pour le coup, la gauche retrouverait son équilibre face à la droite, reléguant Marine Le Pen et Emmanuel Macron parmi les non qualifiés du premier tour de la véritable élection. Beaucoup d’éléments empêchent encore aujourd’hui d’échafauder ce scénario. Non seulement les intentions de François Hollande ne sont pas encore connues, mais la multiplicité des candidatures annoncées « hors primaires », à droite comme à gauche, vient tout compliquer.
Dénigrer les primaires, pourtant, serait bouder la modernité démocratique. Les débats et duels n’auront pas permis de parler beaucoup du réchauffement, de l’Europe ou de la pauvreté. Mais la campagne et le scrutin auront présenté de multiples avantages. Dans la « séquence de droite » que nous venons de vivre, on a vu une famille politique occuper les écrans télévisés gratuitement pendant plusieurs soirées à forte audience puis réussir une collecte massive de suffrages assortis de dons. Et, pour peu que François Hollande et les socialistes ne fassent pas la bêtise de renoncer à un système qu’ils avaient eux-mêmes inauguré, une bonne partie de la gauche connaitra semblable aubaine en janvier…
Image en une : François Fillon / © Vernier – JBV NEWS.