Le 8 mars 2024, l’article 34 de la Constitution a été modifié pour consacrer « la liberté garantie aux femmes d’interrompre leur grossesse ». Une étape cruciale dans la défense du droit à l’avortement – notons tout-de-même la différence entre « droit » et « liberté » – institué en France il y a 50 ans par Simone Veil à l’Assemblée nationale.
Le projet de loi de Simone Veil s’inscrivait dans la lutte contre l’avortement clandestin, considéré à l’aune de la révolution sexuelle et sociale de la fin des années 1960 comme un grave problème de santé publique. Rappelons qu’en France, l’avortement était illégal depuis le XVIe siècle, et qu’une législation de 1920 interdisant non seulement la pratique, mais aussi toute publicité à l’égard de celui-ci, était toujours en vigueur !
De nombreux jalons précèdent la promulgation de la loi Veil. En 1967, la loi Neuwirth autorisait déjà la contraception. En 1971, Simone de Beauvoir rédigeait le « Manifeste des 343 » dans les colonnes du Nouvel Observateur, signé par autant de femmes qui avouaient avoir avorté, toujours dans l’illégalité. 1972 : au tour de l’avocate Gisèle Halimi de faire acquitter Marie-Claire Chevalier, une mineure de 17 qui avait eu recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) après un viol. Les figures pour représenter la lutte pour le droit à l’avortement ne manquent pas.
Mais c’est Simone Veil qui est retenue comme l’incarnation de ce combat par les générations de féministes à venir.
C’est particulièrement le cas au Planning familial de Gironde, où des entretiens avec les bénévoles ont été menés. Toutes les cohortes, des « pionnières » des années 1920 à la « génération metoo », en passant par les « féministes historiques » des années 1970, reconnaissent immédiatement comme modèle « Madame Simone Veil », selon les mots d’Odette, militante de la « deuxième vague » et bénévole dans l’association depuis 23 ans. Pour ces militantes, la loi Veil représente un jalon capital de la lutte pour le droit à l’avortement.
Bien qu’elle ait été un grand pas pour la femme et pour l’humanité, la loi Veil « n’[était] pas si parfaite que ça », selon Louisa, 22 ans, engagée depuis trois ans au Planning familial de Gironde. Elle autorisait en effet l’avortement « en situation de détresse » et avec de fortes restrictions. Les médecins disposaient par exemple d’une clause de conscience, c’est-à-dire qu’ils pouvaient, à leur guise, refuser de pratiquer une IVG. Les risques et les alternatives liés à la procédure devaient également être présentés à la femme avant l’intervention, et son coût n’était pas remboursé par la Sécurité Sociale. Ces lacunes ont partiellement été comblées dans les cinq décennies suivantes. L’IVG a été remboursée partiellement grâce à la loi Roudy de 1982, puis totalement en 2013. Une loi de janvier 1993 a également érigé en délit toute entrave à l’accès à l’avortement. La liberté d’avorter a ensuite été inscrite dans la Constitution en 2024.
Si la loi Veil souffle cette année ses cinquante bougies, l’avortement n’en reste pas moins un sujet d’actualité par les controverses qu’il suscite à travers le monde, notamment aux Etats-Unis avec l’abrogation de l’arrêt Roe vs Wade. En France, cette avancée demeure un acquis ainsi qu’un symbole fort de la lutte pour les droits des femmes.