La désignation de François-Xavier Bellamy comme tête de liste des Républicains pour l’élection européenne nous renvoie à l’intéressante question de « la lisibilité du débat ». Feu Philippe Séguin aimait contredire ses amis gaullistes, par exemple, lorsqu’ils qualifiaient de « socialiste sectaire » son collègue et prédécesseur à la présidence de l’Assemblée Henri Emmanuelli. Il leur assurait qu’un adversaire aux opinions bien tranchées contribuait à « la lisibilitédu débat ». Foin des propos trop nuancés ou des arguments chèvre-chou ! En trois phrases, avec de telles personnalités, on sait de quoi l’on va discuter. A l’évidence, beaucoup d’acteurs de notre vie publique – y compris dans la famille politique qu’il vient de rejoindre – trouveront facilement quantité de sujets de désaccords avec François-Xavier Bellamy. Catholique conservateur assumé, il voit dans la PMA la porte ouverte au transhumanisme. Il a manifesté contre la loi Taubira sur le mariage pour tous. Il s’est déclaré, à titre personnel, adversaire de l’avortement mais respectueux de la loi Veil. En 2005, il a voténon au référendum sur la Constitution européenne. Il se présente cependant aujourd’hui comme favorable à l’Europe en tant que « projet nécessaire » et « à renouveler ». Autrement dit, le nombre de concessions qu’il est prêt à accorder à ses amis néogaullistes du courant dominant de l’ancienne UMP reste très limité. C’est pourquoi sa désignation a surpris et même agacé. Gérard Larcher, président du Sénat et gardien de la stabilité de cette famille politique, lui aurait de beaucoup préféré l’ancien directeur général de la police nationale Frédéric Péchenard, ami et contemporain de Nicolas Sarkozy.
Comme pour mieux justifier le reproche de s’inscrire sur la ligne « à droite, toute », Laurent Wauquiez et son proche entourage ont cependant réussi l’opération consistant à assurer l’arrimage en tête du traineau électoral d’un François-Xavier Bellamy que les Français vont peu à peu apprendre à connaître. Professeur de philosophie issu de l’Ecole normale supérieure, il est brillantissime et ne se prend jamais les pieds entre les concepts et les notions. L’homme ne parle guère d’économie, de dette ou de fiscalité. Il aime surtout échanger autour de la construction d’une société fondée sur ce qui est « bien, vrai et juste ». Sa silhouette, sa faconde étourdissante, son jeune âge – 33 ans ! – ne déparent pas un CV comprenant déjà une élection et une réélection à Versailles sur la liste de François de Mazières. Et un « échec formateur »aux législatives, dans une circonscription jugée imperdable…
Il est pour tout dire assez surprenant que Les Républicains aient procédé à un tel recrutement. On prête du coup quelques arrière-pensées variées à Laurent Wauquiez. Mais peut-être celui-ci n’a pas lui-même aperçu ce que signifiait l’entrée en lice du disert François-Xavier Bellamy au moment où la France bruisse des échos contradictoires du grand débat voulu par un jeune premier attrapant ses premières rides, Emmanuel Macron : l’apparition d’une nouvelle génération croyant aux ressources d’un verbe flamboyant dont on veut seulement espérer qu’il restera intelligible aux Français.
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