La demande d’une association
La question s’est posée en 2014, lors de la rencontre avec une association de femmes revendiquant le droit d’être libres de porter ou non le voile, sans subir de pressions extérieures. La délégation s’est alors demandée si renforcer la laïcité ne serait pas la réponse à cette question. Les travaux ont duré deux ans et se sont fait « en dehors des polémiques » selon la présidente, « pour répondre à la demande de cette association ».
À travers leurs recherches, les membres de la délégation ont constaté que la problématique était plus large : la place et les droits des femmes sont remis en question dans tous les domaines de la vie en société. De nombreuses auditions avec des spécialistes du sujet ont donc été réalisées. Il en est ressorti que la laïcité n’était pas suffisante pour garantir l’égalité ; elle en est cependant un élément nécessaire.
Le principe fondamental de l’égalité
La laïcité est un terme dont la définition est sujette à controverse. En fonction de celles qu’avancent les différents acteurs, la réponse à la question initiale – « la laïcité garantit-elle l’égalité ? » – varie et se contredit parfois. Il a donc fallu étudier toutes les religions pour obtenir une vision d’ensemble. Selon Chantal Jouanno, on retrouve à chaque fois un rôle différencié entre les hommes et les femmes.
Si les tenues des femmes sont souvent remises en cause lorsque se pose la question de la laïcité, celles des hommes le sont beaucoup moins, voire jamais. De plus, les violences faites aux femmes en raison de leurs tenues ne sont pas assez condamnées, regrette la sénatrice. L’égalité doit donc revenir au centre des préoccupations en ce qu’elle est un principe fondamental du vivre-ensemble. La laïcité est une condition nécessaire à cette égalité mais elle ne doit pas être isolée des autres combats pour l’égalité entre les deux sexes.
Les propositions de la délégation
La délégation a ainsi formulé dans son rapport quatre propositions à l’attention du législateur afin de répondre à ce besoin d’égalité.
- Inscrire le principe d’égalité entre les femmes et les hommes à l’article premier de la Constitution, ce qui permettrait de « soumettre toutes les lois au respect de ce principe ».
- Sanctionner les associations appelant à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison du sexe, motif qui ne figure pas parmi ceux de dissolution actuels.
- Créer un délit autonome d’agissement sexiste, afin que ce dernier soit inscrit dans le code pénal.
- Étendre l’obligation de neutralité, appliquée aux fonctionnaires, à de nouvelles catégories comme les fonctionnaires stagiaires, les élèves-fonctionnaires, les candidats aux concours de la fonction publique et les élus.
« Les lois de la République sont toujours supérieures aux croyances »
Lors d’une table ronde en présence de personnalités investies dans les questions religieuses, mais pas forcément représentantes d’un point de vue officiel, les actrices ont affirmé que les changements au sein des institutions religieuses en faveur de l’égalité viendront nécessairement de l’extérieur. Pour la délégation, si les pouvoirs publics ne donnent pas leur avis sur les choix des représentants des cultes, ces derniers, en retour, ne doivent pas faire pression sur les choix des élus de la République, notamment concernant les lois promulguées. « Les lois de la République sont toujours supérieures aux croyances », rappelle la présidente.
C’est en période de crise que le principe d’égalité a tendance à être remis en cause. En effet, lors de débats au Sénat, la sénatrice Laurence Cohen « avait l’impression d’être revenue des années en arrière », spécifiquement sur la question de l’IVG. Elle remarque à l’inverse que la rencontre avec des représentantes des cultes a fait apparaître « une volonté commune de faire avancer les droits des femmes et l’égalité », ce qui lui a semblé très positif. Pour elle, « la laïcité ne sera bien vécue que si on respecte le principe d’égalité ».
Retrouvez l’intégralité du rapport ici : http://www.senat.fr/rap.pdf.
Photo en une : Chantal Jouanno / © JBV NEWS.