Pourriez-vous nous présenter la Fête de la gastronomie ?
La Fête de la gastronomie a été lancée en 2011, à l’initiative du ministre de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme. Inspirée par le succès de la Fête de la Musique, elle a pour ambition de célébrer la création gastronomique et le savoir-faire français. Cette manifestation prend la forme d’une grande fête populaire, rassemblant chaque année, le premier jour de l’automne, l’ensemble des Français et des professionnels du secteur autour de valeurs d’échange, de partage et de découverte.
La première Fête de la gastronomie s’est déroulée le 23 septembre 2011 et s’est également placée sous le signe de l’inscription fin 2010 du Repas gastronomique des Français au patrimoine de l’humanité (UNESCO). Elle eut pour thème “la terre”. Cette édition a connu un immense succès avec plus de 6 000 évènements et 75 000 professionnels participants.
La fête de la gastronomie, c’est avant tout un moment pour raconter l’histoire de sa passion et la faire partager au public.
Comment s’organise-t-elle ? Quel est, précisément, votre rôle au sein de cet évènement ?
Organiser un tel évènement, c’est avant tout s’attaquer à un périmètre bien plus large que celui de la cuisine. En effet, de nombreuses thématiques se recoupent autour de la gastronomie, notamment autour du produit, de ses acteurs et dans la définition même de s’alimenter dans cette société et d’y consacrer autant de temps, de pensées, d’humeur… Il est également question du sens, de la vue, de l’odorat, du toucher ; toutes les composantes du plaisir de se nourrir en France.
La fête de la gastronomie s’organise de manière itérative et interactive. En tant que Commissaire générale, mon rôle est de faire prendre conscience à tous les acteurs de la gastronomie française de l’importance et l’utilité de cette fête d’un point de vue stratégique sur le court et le moyen terme. En effet, outre les évènements importants de cette journée, la fête permettra d’ouvrir un focus sur leurs métiers et activités, ce qui est très puissant en termes de développement économique, territorial ou touristique. En outre, cela permet de mettre à l’honneur la gastronomie française pour tous les Français et de créer un véritable sentiment d’appartenance.
Il ne s’agit pas simplement de l’organisation d’une fête nationale ; le travail préparatoire et l’attention qui est donnée à l’ensemble créent une vraie dynamique de fond. Les projets mis en route ce jour-là pourront se perpétuer par la suite.
La coordination se déroule donc à Bercy avec une équipe dédiée et avec le concours du service communication du Ministère pour la partie création, médias, relations presse, site internet et diffusion.
Mon rôle est d’insuffler une vision et une énergie globale sur l’organisation de cet évènement. Ainsi, j’explique la stratégie, je propose des idées, je mobilise les acteurs et constitue des comités de pilotage dans les grandes villes pour les aider à monter et faire émerger des projets. Par ailleurs, je me positionne comme interface permanente entre l’ensemble des acteurs du privé et ceux des collectivités territoriales, pour être un point d’appui et les aider à développer la Fête de la Gastronomie.
En quoi cet évènement peut-il agir sur le développement du secteur de la gastronomie et de ses métiers ?
La gastronomie française est tellement réputée, qu’avec le temps, elle s’est inscrite dans un schéma où elle apparaît pour certains comme inaltérable, figée et fonctionnant quoiqu’il arrive. Pourtant, l’art culinaire connaît des difficultés et est encore insuffisamment connu. Il existe, en effet, de nombreux micro-secteurs qui s’additionnent et que le grand public ignore encore. La globalité de la gastronomie française et de ses talents a peut-être souffert d’un manque d’attention, d’affection et de regard appuyé. C’est vraiment important dans un monde où la compétition, notamment à l’international, est importante.
Nous avons donc besoin de valoriser le secteur :
– pour le rayonnement français et étranger. C’est important en termes d’attractivité touristique et économique ;
– pour les acteurs des arts culinaires qui ont un vrai besoin de reconnaissance de leur savoir-faire, de leur exigence de métier, de ce qu’ils donnent au pays depuis des années.
La Fête de la gastronomie permet également de faire ce focus sur les personnes engagées au quotidien dans des professions très exigeantes, tels des sportifs de haut niveau, en termes d’horaires, de savoir-faire, de renouvèlement… Ces métiers sont accaparants et ne permettent pas de s’installer dans un confort de vie au quotidien. C’est pour cette raison que nous souhaitons les mettre à l’honneur parce qu’ils le valent bien.
La fête a pour ambition de valoriser ces métiers manuels et permettre aux parents de laisser leurs enfants aller librement vers leurs vocations. Ainsi, les jeunes, rêvant d’une carrière dans la restauration, pourront vivre leur passion. Nous pouvons ainsi prétendre, sur ces métiers et grâce à ce regard nouveau, à une augmentation du nombre de recrutements. Il existe plus de 70 000 postes à pourvoir ! Valoriser ces emplois et formations permettra d’accélérer les embauches et d’améliorer le niveau global de prestation et de service.
Lors de l’édition 2011, plus de 6 000 projets ont été labellisés, quelles en ont été les retombées ?
Lors de l’édition 2011, il y eu une grande diversité de projets labellisés (6 000) répartis dans tout le pays : grands banquets populaires, pique-niques, dégustations en restaurant, visites d’entreprises (arts de la table, artisans, PME), lectures, expositions photos, installations artistiques… Nous étions vraiment au cœur d’un moment festif et le public, qui a pu y assister, a vécu un moment différent et unique.
Ces rencontres ont permis aux entreprises d’augmenter leur visibilité et aussi leur chiffre d’affaires. En effet, le travail de préparation de la fête a créé une dynamique extrêmement positive. Nous avons permis à des artisans d’entrer en contact avec des chefs, notamment sur les pique-niques en Bourgogne. Il s’agit de logiques business transverses. Les Écoles Hôtelières étaient très heureuses d’y participer et ont organisé des repas spéciaux ou travaillé avec des designers culinaires (comme Marc Brétillot à Ferrandi).
Quels ont été les points positifs de la première édition de la fête de la gastronomie ?
À mes yeux, il s’agit avant tout de la capacité à mobiliser l’ensemble des acteurs en si peu de temps. L’édition 2011, avec un délai de montage très court, a été un vrai succès. C’est plein d’espoir. Cela démontre qu’il existe une capacité de résonance forte sur un tel projet. La gastronomie française a pu trouver un écho global, une nouvelle dynamique grâce à cette fête, véritable outil de rayonnement de la culture française.
En revanche, et c’est explicable au vu du délai, il manquait une mobilisation massive des Collectivités territoriales et une participation forte des acteurs de la restauration. Cela devrait toutefois évoluer cette année, notamment au niveau des syndicats, groupes de chefs, asso-ciations, communes et régions. Nous assistons donc à un vrai changement de dimension.
Comment se présente l’édition 2012 ?
Nous avons réuni le 19 avril dernier le deuxième Comité de pilotage, comptant 80 partenaires (professionnels des métiers de bouche, des métiers d’art, ministères, organisations professionnelles, journalistes …), de l’édition 2012 de la Fête de la gastronomie qui se déroulera cette année le samedi 22 septembre 2012, premier jour de l’automne. Michel Guérard, grand chef français triplement étoilé au Michelin (les Prés d’Eugénie) a été désigné parrain de l’évènement.
Cette année, le choix du thème était participatif. Un vote a été lancé sur le site de la Fête de la gastronomie. Les internautes devaient choisir entre trois propositions : “L’éloge de la main : savoir faire et transmission”, “Cuisinons ensemble : partage et convivialité” et “Terroirs : création et tradition”. Plus de 45 000 votants ont choisi à 58 % “Terroirs : création et tradition”. C’est un thème qui va permettre d’aborder la diversité et la richesse des terroirs français.
Par ailleurs, cette seconde édition sera aussi axée sur l’international. Deux capitales où la gastronomie française est déjà fortement implantée : New York et Tokyo, participeront donc à cette fête. Ces deux villes concentrant le plus de restaurants étoilés dans le monde et de nombreux chefs, ainsi que des artisans de produits de bouche (chocolatiers, boulangers, bouchers, charcutiers) et d’arts de la table français, sont d’excellents ambassadeurs de notre gastronomie et art de vivre. À ce titre, je viens de me rendre à New York afin de coordonner les actions qui seront mises en place à cette occasion. Ce sera l’occasion de mobiliser et de valoriser tous les artisans et chefs français qui sont installés sur place.
Pouvez-vous nous parler de ce thème de l’édition 2012 : “Terroirs : création et tradition” ?
C’est une thématique qui est très riche car notre territoire permet de raconter des histoires vraiment différentes. Il n’y a pas les mêmes produits, manières de cultiver ou cuisiner du nord au sud de la France… Nous avons par ailleurs montré, à travers les siècles, notre capacité à intégrer des aliments qui venaient d’ailleurs. Il s’agit d’un vrai talent français ; assimiler des produits pour en faire de la création.
Quelle est la place de la gastronomie française aujourd’hui ?
Elle est toujours extrêmement forte. D’une part car les chefs étrangers viennent toujours se former en France, d’autre part, car les chefs français s’exportent à l’étranger, s’y installent. Certains partent faire vivre et exporter des plats de tradition française classiques, d’autres montrent leurs capacités à aller intégrer ce qui se passe dans leurs pays d’accueil pour faire une cuisine créative. La France reste toujours un pays qui fait rêver par sa gastronomie. Nous devons continuer à être vigilant et ne pas rester sur nos acquis et se battre pour conserver une place de leadeur. Il faut toujours être dans une optique de progrès et d’exigence personnelle.