La perfection n’étant guère de ce monde, il n’y a pas de démocratie idéale. Il existe en revanche à travers la planète, chez les femmes et les hommes de bonne volonté, un « idéal démocratique » résistant à tous les coups de butoir des autocrates proliférant en ce premier quart du XXI siècle. En raison de cette aspiration persistante et de ses indispensables accompagnements – état de droit, justice indépendante, liberté de la presse – il faut se garder de considérer l’actualité géopolitique sous le seul aspect des frontières et de la seule rivalité des empires.Â
Donald Trump le roi du deal voudrait vendre à Vladimir Poutine un accord de paix figeant les conquêtes territoriales de la Russie. Mais on comprend que le maître du Kremlin fasse la fine bouche. A la tête du plus vaste état du monde, il n’a guère besoin de territoires nouveaux. C’est l’asservissement des dirigeants de Kiev qu’il souhaite avec ardeur. L’Ukraine ne lui pose problème que dans la mesure où elle n’est plus une docile colonie soviétique. Sa population lui paraît surtout susceptible d’être porteuse d’un terrible virus à ses yeux : celui de la démocratie. Le risque de contagion reste son cauchemar. Qu’adviendrait-il de lui si, soudain, dans son propre pays gagné par le goût de la liberté, le peuple se mettait à choisir ses dirigeants dans un processus électoral non truqué à l’avance ? S’il ne pouvait plus faire de politique en assassinant ses opposants ? Ce scénario représente pour lui l’horreur absolue et c’est pourquoi il a sacrifié la vie de milliers de jeunes russes dans une atroce guerre d’invasion qui n’est peut-être pas encore terminée.
Gardienne de ce que l’on appelait naguère le « monde libre » – pieux souvenir ! -l’Amérique ne fournit plus de vaccins contre les dictatures. Sa légendaire démocratie entre dans une phase caricaturale. Parce qu’il a joué le peuple contre la justice qui le menaçait non sans de solides raisons, Donald Trump a pris rang parmi les grands démagogues de l’histoire. Il n’est pas capable d’incarner les principes qui ont bâti l’honneur de son pays et la renommée de ses prédécesseurs. En le découvrant tel qu’il est, on mesure à quel point désormais la distance idéologique devient faible entre Washington et Moscou.Â
S’il parvenait à obtenir le scalp de Zelensky des mains de son homologue de la Maison-Blanche, le nouveau tsar pourrait poursuivre son dessein qui n’est pas la conquête territoriale de l’Europe mais, plus simplement, l’éradication de la démocratie en son sein. Pays par pays, il dispose déjà pour cela de véritables relais avec les partis dits « nationalistes » qui rêvent sans doute déjà de se confectionner un nid douillet dans la servitude.Â